Après six ans de silence, le trio old school du rock alternatif emmené par Lou Barlow crée toujours la surprise. 


« What’s that noise ?” résonne dans nos esgourdes en ouverture d’Act Surprised. Ce bruit en question, cette guitare délicieusement brouillonne,  immédiatement identifiable, mais c’est bien sûr ! Sebadoh, l’un des trio les plus emblématique du rock alternatif US 80/90’s. Soit dans sa configuration actuelle (et dans son ordre d’importance) Lou Barlow, Jason Loewenstein et Bob D’Amic, à nouveau réunis pour chauffer les amplis, six ans après Defend Yourself. Ce dernier rompant d’ailleurs 14 ans de hiatus, depuis plus précisément The Sebadoh (1999).  

Pour être totalement franc, le retour aux affaires du trio avec Defend Yourself en 2013, aussi digne d’intérêt soit-il, ne nous avait pas autant emballé que celui de Dinosaur Jr, “l’autre”trio culte où officie Lou Barlow avec sa casquette en chef J. Mascis, auteurs depuis d’une poignée d’albums pop/hardcore à la puissance de feu thermonucléaire. Oui, on sait, c’est mal de comparer, d’autant que les styles de chacuns diffèrent un peu, mais inévitable lorsqu’un même membre officie dans deux formations aussi emblématiques.

Toujours est-il qu’en ayant réintégré le groupe hardcore jurassique de J.Mascis, Lou Barlow ne semblait plus faire de Sebadoh sa priorité, puisque six années s’étant écoulées depuis Defend Yourself.  A l’écoute de ce neuvième opus, il semble que le songwriting et surtout l’inspiration le démangent toujours. Il aurait été fort dommage que Barlow se contente seulement de son poste de bassiste à l’ombre du mur Marshall de J. Mascis, tant sa carrière ne se résume pas seulement à cela – que ce soit avec la pop-folk audacieuse de The Folk Implosion, en solo, et bien sûr Sebadoh avec son complice de trente ans Jason Loewenstein.

Ce qui nous ramène donc à ce Act Surprised, dont le titre nous hôte décidément les mots de la bouche. Signé en Europe sur la vénérable maison londonienne Fire Records – refuge d’idoles indé nineties tels que Lemonheads, The Chills, Guided By Voices, Cardinal…- , les fameux mousquetaires indie rockers du Massachusetts ont manifestement trouvé sur leur onzième opus studio un fin équilibre sonore entre l’esprit DIY et une production plus ronde et moderne, concoctée par Justin Pizzoferatto (Parquet Courts, Wild Pink). Il ne s’agit pas ici de révolutionner le genre, mais plutôt d’assurer, avec honnêteté et non sans classe, cet état d’esprit du rock alternatif 90’s  US dont ils sont les dépositaires avec quelques autres figures du genre comme Pavement, Beat Happening, Vaselines, Built To Spill, Guided By Voices (n’oublions pas les perdants magnifiques The Lilys)… Pour le reste, voire l’essentiel, les chansons sont là, présentes en force, d’une fluidité mélodique telle qu’on en avait plus entendu depuis les classiques III (1991), Bakesale (1994) voire Harmacy (1996). Le trio a manifestement fait du tri, les compositions tordues et syncopées – voire un peu tirées par les cheveux – qui dominaient les deux précédents opus ont été élaguées, d’où cette impression agréable et persistante d’écouter leur album peut-être le plus cohérent et accessible d’une pourtant riche discographie…

Comme d’habitude, Lou Barlow signe la majorité des 15 compositions de l’album, mais Jason Loewenstein n’est pas en reste avec six compositions  – « Follow the Breath », « Vacation », « Stunned », « Raging River », « Act Surprised », « Battery » – traditionnellement un peu plus tarabiscotées que celles de Barlow, toutes excellentes. Bob D’Amico signe quant à lui un seul titre, “Leap Year”, sympathique mais à la durée de vie limitée. On vous avait prévenu plus haut, le Lou a repris du poil de la bête et signe incontestablement les titres les plus forts de l’album : notamment « Celebrate The Void », pure joyaux alternant bourrasque électrique et refrain suspendu (et puis qui d’autre peut chanter un tel refrain doux dépressif?) ;  “Medicate” d’où s’extirpe un autre refrain mémorable de cette voix d’apparence indolente mais pas moins hypersensible de ce songwriter hors-pair ; et puis ce finale à la mélancolie salvatrice, “Reykjavik”, tout en délicatesse et larsen fumant, paroxystique après 45 minutes d’amplis maintenus à chaleur idéale. Idyllique…. Ce n’est pas vraiment surprise, en fait : Sebadoh vieillit bien.

Dangerbird Records/Fire Records – 2019
En concert le 7 octobre au Petit Bain (Paris).

https://www.sebadoh.com/

Tracklisting :  

 1.phantom

  1. celebrate the void
  2. follow the breath
  3. medicate
  4. see-saw
    6. vacation
  1. stunned
  2. fool
  3. raging river
  4. sunshine
  5. act surprised
  6. battery
  7. belief
  8. leap year
  9. Reykjavik