Second volet du diptyque « cold wave from outer Space » mis sur orbite par le Canadien Robert Alfons. 


Dark pop, Cold wave, qu’importe, tout ce que nous pouvons faire, c’est du son, pourvu qu’il résonne. Cela pourrait être le credo de TR/ST ou TRUST pour les intimes. Son leader, Robert Alfons qui vit entre Toronto et Los Angeles, nous délivrait en avril dernier, après cinq ans de silence un excellent Destroyer-1. Aujourd’hui, c’est au tour de ce sublime Destroyer-2. Et Alfons ne semble aucunement souffrir de la difficulté que certains pourraient éprouver à classifier sa musique. Il est bien plus ancré, fataliste et haut perché que cela. 

Loin d’être une version délayée du premier volet (ou une compilation de morceaux oubliés sur la console du studio), cet opus 2 est bien la partie manquante et complémentaire qui nous permet de faire le tour complet, non pas de la terre, mais du talent de Robert Alfons.  Ce voyage satellitaire il ne l’a pas programmé seul. Cette série de deux albums s’inscrit dans un processus créatif immersif qui marque en effet le retour de Maya Postepski, à ses côtés, après nous avoir convaincue de la force et de l’émotion de ses beats vibrants au sein de Austra.  

Solide comme une cathédrale, obscure comme une usine à charbon, étendue comme une canopée c’est bien un sound trip émotionnel qui nous est proposé et qui très vite nous envoûte. Cet album n’est pas un lieu inconnu effrayant ou perturbant, mais nous donne le sentiment d’être embarqué sur un vaisseau destroyer digne du 2001 de Kubrick qui poursuit sa navigation avec lenteur, puissance et précision.

On devient visiteur d’un espace étendu où l’on navigue entre ciel et terre, entre sentiments terriens et échappées belles et lunaires. 

Album multifacettes, Destroyer 2 est construit avec minutie et fluidité tout en s’essayant à inverser les pôles. Ses silences, préludes et synthé vibrants se juxtaposent, pour mieux segmenter les temps, les sentiments et éveiller notre imaginaire. Il nous offre un ensemble au bel équilibre, voguant entre rythmes lents et pénétrants façonné par des paroles introspectives et ténébreuses (« Enduring chill » ou « Cor ») et des rythmes plus musclés avec notamment les deux pépites que sont « Iris » et « Destroyer ».

Ces alternances confèrent à l’album une dimension authentique et mystérieuse, comme si nous étions invités nous aussi, à ce parcours, à cette quête introspective.

“Remind us that in celebration there are times of mourning, there is a gravitas to every bliss, these feelings can and do coexist in an infinite tangle of longing.”  (Trad : «Rappelons-nous que dans la célébration il y a des moments de deuil, il y a une gravité dans chaque bonheur, ces sentiments peuvent coexister et coexistent dans un enchevêtrement infini de nostalgie.»)

La voix à la fois sensuelle et empreinte de nostalgie intemporelle nous hypnotise. Son flux est volontairement ralenti sans jamais être léthargique, comme une trace de fumée qui se dissipe dans le sidéral et devient grave dans les beats. 

En décryptant ses paroles, on découvre une vision souvent noire et fataliste de l’ environnement («Then disassembled hearts sigh ») tout en laissant des traces d’espoir et des néons de joie (« Now all of us want to see you smile »). On est surpris par son mode d’expression qui montre toute la complexité et le paradoxe de l’artiste, mais très vite on se l’approprie car elle nous renvoie à la complexité et au contradictions du monde dans lequel nous vivons et qui souvent nous échappent.

Destroyer 1 et 2 sont bien un seul disque où les 16 morceaux fusionnent et constituent un espace, un lieu de résonance très construit et sincère, où l’on gravite, suspendu en mode  cinématographique et repeat. Embarquez sur ce Destroyer, plongez dans cet univers les yeux fermés et le cœur ouvert. Se laisser absorber par le piano de « shame » avant de de laisser envahir par le paysage sonore de « the stain » est une expérience magique et addictive.

Dansez triste, endormez-vous bonheur… qu’importe tant que ça résonne.

En concert au BOTANIQUE, Bruxelles le 21 novembre et au TRIANON, Paris, le 24 novembre

Label : Royal Mountain Records

Tracklisting : 

  1. Enduring Chill
  2. 2. Iris
  3. Darling
  4. Cor
  5. Destroyer
  6. Shame
  7. The Stain
  8. Slow Burns