De la douceur, de la quiétude et des bips électroniques analogiques.


Il y a des disques qui s’apprécient dans certaines circonstances et à un instant C (comme confinement). Le nouvel opus du musicien allemand Hans-Joachim Roedelius (Wahre Liebe) légende de la musique électronique ambiante et expérimentale est l’œuvre idoine. Roedelius est le garant et l’une des figures tutélaires de la musique dite cosmique (Kosmische Musik) renommée plus tard Krautrock. Il va lancer et accompagner ce mouvement dans les années 70 au sein des formations Kluster /Cluster et Harmonia et sera aussi le cofondateur fin 1967, avec Conrad Schnitzler,  du Zodiak Free Arts Lab, la première salle de Berlin-Ouest dédiée à la musique expérimentale.
En 2020 ce défricheur de sonorités force encore le respect. Né à Berlin en 1934 il donne en effet aujourd’hui une suite émouvante à sa série d’autoportrait (Selbstportrait) débutée en 1979 sur le label Sky Records et sous l’appellation Sanfte Musik.

Ce retour sur cette série intime (la neuvième du lot) est un souhait initié par Gunther Buskies le tenancier et fondateur du label germanique de Hambourg Bureau B. Qui plus est avec un challenge AOC : celui de se limiter aux instruments originaux que le compositeur utilisaient dans les années 70 soit ni plus ni moins qu’un orgue Farfisa, un piano électrique Fender Rhodes, une boîte à rythmes (synthétiseur) Roland, Korg et un Tape Delay. Ce retour aux vieux jours du vintage et de l’analogique est en l’occurrence bien salutaire. En collaboration avec les musiciens Onnen et Wolf Bock ce nouveau projet initié il y a 40 ans a merveilleusement bien abouti.

Ces plages sonores instrumentales ne donnent jamais l’impression d’une musique pour érudit, bien au contraire, ces mini symphonies électroniques semblent toujours très intuitives et spontanées. On s’imprègne de ce déroulé sonore contemplatif et éphémère. On y entend entre autre : une myriade de carillons minimalistes miroitant (“Spiel im Wind”), une musique de rue répétitive (“Geruhsam”), un cantique minimal (“Gleichklang”), une lumière d’hiver (“Winterlicht”) figeant pour toujours un paysage immaculé et lumineux, où bien à contrario, un compte à rebours répétitif et métronomique (“Im Kreiseil”).


Ces esquisses sonores oniriques acquièrent un caractère intemporel et développent un climat poétique. Le romantisme de son auteur est à fleur de peau. Induites sur un minimum d’effet elles s’apprécient d’autant plus profondément. La longue pièce “Aus weiter Ferne” de 14 minutes qui met fin en beauté à cet album est à ce titre une merveilleuse leçon.

Bureau B Records – 2020

http://www.bureau-b.com/roedelius.php

Tracklisting :

  1. Spiel im Wind
  2. Wahre Liebe
  3. Geruhsam
  4. Mitgewalzert
  5. Winterlicht
  6. Im Kreisel
  7. Nahwärme
  8. Ebenfalls
  9. Gerne
  10. Vormals
  11. Gleichklang
  12. Aus weiter Ferne

En actualité parallèle est aussi disponible une réédition d’un coffret 3-LP limité (pressé à 500 unités seulement) appelé « Roedelius Tape Archive 1973-1978 ».