Un premier album post-punk violemment efficace au décor noir et envoutant.

Il y a deux heures de routes et 100 ans qui séparent les Mancuniens de IST IST de la tribu des Peaky Blinders de Birmingham.

Pourtant, le décor et le terreau semblent être les mêmes.  On retrouve une détermination identique, une farouche envie de construire un édifice solide et respectable, avec une absence totale de compromis, sans toutefois être irrévérencieux de leurs aïeux.

Ce premier album « Architecture » porte bien son nom, conçu avec méthode, il a du poids et sait s’imposer sur le terrain du post-punk déjà bien occupé par de sérieuses références.

Le gang IST IST est un quatuor né à Manchester qui s’est taillé sa propre place depuis sa création il y a un peu plus de six ans. Depuis 2014, le groupe a sorti un certain nombre de singles et de maxis de manière totalement indépendante et a connu une ascension vertigineuse, exclusivement par le bouche à oreille, en jouant à guichets fermés dans tout le pays.

Auto-produit, et rompant avec les conventions pour faire les choses à leur manière, le groupe a sorti les 10 titres qui figurent sur Architecture semaine après semaine, afin de déployer épisodiquement sa narration singulière. Chaque morceau est associé à une œuvre d’art individuelle et à un visuel spécifique et étonnant.

Les premières vidéos ainsi « distillées » de « Wolves », « You’re Mine », « Black », « Discipline », ainsi que le dernier ajout « A New Love Song », viennent argumenter et valoriser leur démarche artistique. On ne peut pas parler d’innovation flagrante, mais cette démarche réfléchie et méthodique traduit bien les valeurs de ce groupe. On retrouve cette exigence et ce souci de l’efficacité émotionnelle dans chacun des titres de l’album.

Le bassiste Andy KEATING a déclaré « Nous croyons en la force de chaque chanson du disque et nous voulions qu’elles soient toutes sous les feux de la rampe au lieu de suivre la méthode éprouvée qui consiste à sortir une poignée de singles puis à laisser tomber l’album. On ne sort son premier album qu’une seule fois, c’est pourquoi nous voulions faire quelque chose d’innovant. Nous avons hâte que tout le monde l’entende et, comme tout le monde va bien, nous avons décidé de faire une tournée en octobre et novembre ».

A la première écoute, de nombreuses références défilent sous nos yeux et je suis certain que le groupe en tire une véritable fierté, ces passages sonores à la Joy Division, ces basses à la Cure, cette nervosité à la White Lies, sont pour eux des hommages assumés.

Avec des paroles aux images fortes et percutantes, soutenues par le baryton caverneux du leader et chanteur Adam HOUGHTON, « Architecture » invite l’auditeur dans un monde dystopique qu’ils ont savamment construit dans leur cave, puis dans les pubs, pour désormais les faire résonner dans des salles de concert de plus en plus grandes.

En s’appuyant sur les thèmes de l’agitation émotionnelle, de l’anxiété et de la rédemption, les dix titres mettent en évidence la construction fragile de l’esprit humain.

On appréciera dès le premier morceau l’atmosphère « initiatique » de « Wolves » avec ses synthés solides et ses guitares hurlantes, le très efficace « You’re Mine » et ses lignes de basse ponctuées par une refrain accrocheur,  un « Black » bien mélodique pour passer à la BBC et surtout un « Night’s arm » qui s’amuse à déconstruire les rythmiques et qui défend farouchement une production « garage made » qui devrait efficacement faire vibrer votre parquet.

Il sera agréable également de s’attarder sur « A New Love Song », dont la section rythmique et la voix caverneuse m’ont remémorées de nombreuses écoutes nocturnes de Peter Murphy, mais elles m’ont surtout transportées dans une obscure ambiance industrielle aux volutes érotiques qui partent en fumée.

Peu de lumière, peu de couleurs, on est bien au cœur d’un univers post-punk monochrome au décor noir et pesant, aux refrains qui comme les maisons anglaises de mineurs se répètent sans fin.

Aussi, chaque note de synthé – au-delà de nous confirmer que nous sommes bien en présence d’un album produit en 2020 – vient nous réchauffer. Mais ce serait oublier ces riffs martiales, qui comme des « bullets » sifflent à nos oreilles, nous refroidissent et nous transportent à nouveau dans des temps anciens et bien plus violents.

Même si on la compris, cet album n’a pas pour vocation de vous remonter le moral il a pourtant une splendide énergie. Écoute après écoute, on retrouve cette âme rebelle à la fois lourde et dynamisante des débuts d’Editors ou de Future Islands tout étant moins pop, ce qui nous convient parfaitement.

En résumé ce n’est pas un anxiolytique mais plutôt un pot de vitamines « made in UK » pouvant avoir des vertus thérapeutique puissantes.

En moins de  45 mn vous serez kidnappés par ces IST IST qui sauront vous convaincre de la qualité de leur premier album. Et vous pourrez ainsi, vous aussi, rejoindre la bande de ceux qui considèrent que leur succès n’est pas volé.

IST IST album «  Architecture » chez KIND VIOLENCE

Tracklist :

01. Wolves

02. You’re Mine

03. Black

04. Discipline

05. A New Love Song

06. Silence

07. Drowning In The Shallow End

08. Night’s Arm

09. Under Your Skin

10. Slowly We Escape