L’ex Sugar et Hüsker Dü est dans sa période bleue, et autant vous dire qu’il est très remonté.


Avant d’avancer plus loin dans cette chronique, rectifions d’emblée une récente “fake news” autour de ce bon vieux Bob Mould. Lu dans Télérama et Libé, le parrain du hardcore US aurait été un temps catcheur professionnel… Que nenni ! Il suffit de lire son autobiographie, See a Little Light (traduite en français chez l’éditeur Camion Blanc) ou de vérifier sur Wikipedia, l’homme a uniquement travaillé comme scénariste pour la World Championship Wrestling (défunte fédération de catch US), brièvement en 1999/2000. De fait, Bob Mould n’a jamais combattu sur un ring, contrairement à Hulk Hogan…. 

Ceci étant dit, le guitariste/chanteur des légendaires Hüsker Dü sort bel et bien les gros bras avec son 14e opus solo, Blue Hearts, décrit un peu partout comme son disque le plus rageur depuis ses fracassants débuts dans le giron punk hardcore US voilà près de quarante ans… ou bien, allez, disons, depuis New Day Rising (1985). De là à sous-entendre que l’oncle Bob (59 ans) n’a rien gravé d’intense ces derniers temps, ce serait tout de même être de sacré mauvaise foi. Depuis sa signature sur Merge Records en 2012, l’ex leader de Sugar et du Dü a traversé une période bénie avec les fantastiques Silver Age (2012) et Beauty & Ruin (2014). Et même si, Celebration Rock, son précédent opus de nature plus optimiste, s’est avéré un peu moins inspiré, la crédibilité artistique du bonhomme n’est nullement remise en question. Avec Blue Hearts, Bob Mould confirme qu’il n’est jamais aussi inspiré que lorsqu’il est en colère.  

Accompagné de son trio de choc – Jon Wurster à la batterie, Jason Narducy à la basse – le vétéran hurle comme rarement nous l’avons entendu depuis J-C sur le fameux Beaster EP, particulièrement sur “American Crisis”. Musicalement, Blue Hearts s’inscrit pourtant dans veine sonique développée depuis Silver Age – l’album a été produit par Mould au studio Electrical Audio de Chicago avec le fidèle complice Beau Sorenson. La différence repose plutôt cette fois sur le discours, dans une veine protestataire plus prononcée que d’accoutumée. Le rocker, fervent défenseur de la cause LGBT, se montre très remonté tout au long de ces quatorze titres, tirant sur tout ce qui bouge, ou plutôt sur tout ce qui ne va pas aux Etats-Unis. Et dieu sait qu’il y a l’embarras du choix en ce moment au pays de l’Oncle Sam, que ce soit sur l’environnement, la politique, la religion, la société ou les inégalités… A l’instar du premier single uppercut, « American Crisis », dévoilé cet été au même moment de la mort de George Floyd (pur concours de circonstance avec les événements). Il y est notamment aussi question de religions sectaires qui soutiennent la Maison Blanche (« Forecast of Rain » ), ou des leaders aux égos surdimensionnés (“Heart on my Sleeve”), suivez mon regard… 

Si la première moitié de l’album s’inscrit dans une fureur très hüskerdienne (à l’exception de l’entrée en matière acoustique d’ »Heart on my Sleeve »), boostée par des morceaux up tempo dans une veine très punk (“Next Generation », « Fireball”), la seconde partie s’autorise quelques les mélodies plus accrocheuses, ou plutôt “Sugardises”, dont seul le père Mould détient le secret, notamment sur “Everyth!ng to You”, “Baby Needs a Cookie” et “Racing to the End”, jusqu’au final « The Ocean », en mode distorsion éteinte et guitare claire. Blue Hearts n’en demeure pas moins dans son ensemble très électrique et spontané. Très peu d’overdubs ont d’ailleurs été rajoutés afin de maintenir cette sensation d’urgence. Indéniablement, le courant passe.

Merge Records – 2020

Tracklisting :

  1. Heart on My Sleeve
  2. Next Generation
  3. American Crisis
  4. Fireball
  5. Forecast of Rain
  6. When You Left
  7. Siberian Butter y
  8. Everyth!ng to You
  9. Racing to the End
  10. Baby Needs a Cookie
  11. Little Pieces
  12. Leather Dreams
  13. Password to My Soul
  14. The Ocean