Première échappée en solitaire pour le chanteur de The National, en mode intimiste et classieux.


Matt Berninger, le rocker à la voix de baryton de The National, avait déjà fait preuve d’émancipation voilà cinq ans avec l’étonnant side project El VY, l’occasion pour le new yorkais de montrer une facette moins écorchée, dans une veine électro pop solaire. C’est aujourd’hui sous son propre nom qu’il nous revient, un an à peine après la sortie d’I Am Easy to Find (2019), dernier opus en date de son gang fétiche de Brooklyn. 

Si le chanteur new yorkais s’offre une escapade en solitaire, ce baptême du feu se veut toutefois un véritable effort collectif, plus d’une douzaine d’invités se bousculant sur les crédits de Serpentine Prison : notamment Matt Berrick (ex The Walkmen), le songwriter sifflotant Andrew Bird, le génial Canadien Hayden Desser, Brent Knopf (sa moitié au sein du binôme d’EL VY), son vieux complice le bassiste Scott Devendorf ou encore l’ amazone Gail Ann Dorsey (David Bowie). Autre détail d’importance, le maestro de ces sessions studios se trouve être le producteur et multi-instrumentiste légendaire de Memphis, Booker T. Jones. C’est Berninger lui-même qui est entré en contact avec ce pilier des studios Stax, qui a travaillé avec tout le gratin de la musique populaire, de Bill Withers à Otis Redding en passant par Neil Young… Pour son projet en solo, le crooner indie rock avait surtout en tête le son chaud et cotonneux de Stardust, album de reprises enregistré en 1978 par le vétéran de la country Willie Nelson, sous l’aile de Jones (le paternel de Berninger écoutait ce disque en boucle à l’époque).

Ce qui devait être au départ un disque de reprises s’est finalement mué en recueil de compositions originales, collectées au fil des années, Berninger cosignant chaque titre avec différents compositeurs. Jusqu’ici essentiellement connu pour ses talents de paroliers et chanteur, il est cette fois crédité comme co mélodiste sur chaque titre (sachant qu’il ne sait pas jouer d’un instrument).

Pour ce qui est de l’orientation musicale, les vieux fans de The National seront ici en territoire familier. On y retrouve l’approche “rock orchestrale” de la période Boxer, tranchant avec les super productions technologique livrées par son fameux quintette sur ses trois derniers albums, avec le succès que l’on sait.  Et ce choix d’épure n’est pas pour nous déplaire. Intimité, respiration et spleen raffiné sont les maître-mots de ces dix titres : tempos ralentis, piano dominant, parties de guitares variées et studieuses, augmenté de sections de cordes et cuivres mais sans surenchère. Dix titres parfaitement agencés et de bon goût, peut-être trop parfois c’est peut-être le seul hic… On aurait aimé quelques passages moins révérencieux, à la manière d’un Nick Cave ou Tom Waits. Mais soyons indulgent, Serpentine Prison demeure du bel ouvrage.

Les mots du crooner indie rock évoquent quant à eux des ruptures (“One More Second”), dépression (la folk épurée de “Oh Dearie”) ou encore l’isolation (le superbe “Take Me Out of Town”, co écrit avec Hayden Desser). Gail Ann Dorsey chante en duo sur l’élégant Silver Springs aux relents jazzy. L’album s’écoute d’un trait sans le moindre déplaisir, la voix de Berninger faisant merveille, particulièrement sur l’émouvant Distant Exis. Sans atteindre les sommets de The National, Serpentine Prison ne fait pas non plus de l’ombre à son chanteur, loin de là.

Concord Records/ Caroline – 2020

Producteur : Booker T. Jones

https://mattberninger.bandcamp.com/album/serpentine-prison

Tracklisting

1 My Eyes Are T-Shirts 2:40

2 Distant Axis 4:25

3 One More Second 5:23

4 Loved So Little 4:55

5 Silver Springs 3:54

6 Oh Dearie 3:16

7 Take Me Out of Town 4:12

8 Collar Of Your Shirt 5:15

9 All For Nothing 3:06

10 Serpentine Prison 4:32

https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/music/reviews/matt-berninger-serpentine-prisonmatt-berninger-serpentine-prison-album-review-the-national-covers-b1035997.html