Dixième album solo de l’ancien Bad Seeds, The Goldstreet Sessions est un disque inspiré autant par le blues chanté dans les champs de coton que par la scène industrielle berlinoise. Un patchwork d’expérimentation musicale habilement orchestré qui nous ouvre les portes du plaisir.
On serait tenté de comparer la carrière de Hugo Race à celle de Nick Cave d’une part parce que ces deux protagonistes ont collaboré ensemble sur cinq albums du leader des Bad Seeds (depuis From her to eternity jusqu’à Murder ballads), mais aussi parce que ces deux musiciens partagent une même idée (noire) du rock et du blues, la douleur et la misère, aspirant à atteindre le coeur des ténèbres pour mieux le conjurer.
Natif de Melbourne, notre homme a formé en 1985 The Wreckery (parallèlement à sa carrière avec les Bad Seeds), groupe mêlant la rage punk au blues écorché, qui connu un succès d’estime en Australie. Après une poignée d’albums sortis via les labels Rampant Records et Citadel, Race décide à l’orée des années 90 d’entamer une carrière solo. Accompagnés du collectif berlinois The True Spirit, The Goldstreet Sessions, mine de rien son dixième album, peut être vu comme la continuité du travail accompli sur les précédents opus, une fusion entre un blues saigné à blanc et une électronique expérimentale.
Depuis 1999, par le biais de sa boîte de production Helixed, Hugo Race invente un propre langage où se côtoient la musique industrielle et les expérimentations électroniques. Ainsi parallèlement à son activité solo, Race se lance dans des collaborations toutes aussi passionnantes les unes que les autres (Sepiatone, Transfargo, Merola Matrix pour ne citer que les principales) avec pour découverte musicale l’exploration du son produit par des instruments torturés à souhait et mariés à des machines. Le résultat de cette approche peu orthodoxe donne des disques autant attachant qu’irritant.
Fascinés par le blues, ce musicien aventureux incarne autant la souffrance que la rédemption. The Goldstreet Sessions n’échappe pas au courant initié par les précédents albums en véhiculant les obsessions pessimistes qui rongent jusqu’à l’os le compositeur. Pourtant l’australien ne se présente pas comme l’artiste maudit et ne cherche pas non plus à nous vendre ses stigmates. Ainsi, dans « LSD is dead », chanson coincée entre des cuivres malmenés et des samples crasseux, l’ australien nous livre l’antidote pour toute personne neurasthénique et sinistre.
Avec « Makes me mean », sorte de dub bluesy accouplés à des beats perçants, l’homme règle ses comptes avec ses démons les plus noirs. « Premonition » et la voix de Marta Collica (présente dans le projet Sepiatone) effleurant les mots, donne à l’album un côté mélancolique digne des meilleurs morceaux de soul où la lumière filtrée s’estompe pour laisser place à un clair-obscur.
« Midas Touch » avec un son électrique à la limite du chaos traque les sentiments des musiciens dans les recoins les plus méandreux. La convoitise est un vilain défaut nous dit-on.
The Goldstreet Sessions est un album fait de rage qui alimente des brasiers allumés par des cuivres, des guitares rouges électrifiées par l’orage, des beats électroniques venant tout droit de la musique industrielle. Même si Hugo Race sculpte à vif ses obsessions viscérales, il privilégie l’émotion et ne tombe pas dans une nudité fiévreuse trop prévisible. En habillant les instruments classiques à des bruits dépouillés, il a comblé une faille dans le puzzle sonore que de nombreux laborantins du son ont tendance à explorer sans trouver une juste place.
La force de ce disque est d’entremêler des sonorités opposées, qui en aucun cas ne nuisent à la trame des chansons. En s’amusant à placer des pièges dans ses compositions, Hugo Race a fait de ses Goldstreet Sessions un disque magique qui touchera à coup sûr les auditeurs qui préfèrent l’équilibre instable à la mièvrerie.
– Le site de [Hugo Race->http://www.hugorace.com/
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