Pierce Spector est de retour pour un album à forte tenance retrospective. Toujours en quête d’une « grâce impressionnante », Amazing Grace est à la fois dense, complexe et harmonieux.


Spiritualized c’est essentiellement une tête pensante : Jason Pierce, qui n’a strictement rien à voir avec Vendredi 13 comme son nom pourrait le laisser croire… Mais bien avec Spacemen 3, dont l’adage principal se résumait à « Taking drugs to make music to take drugs to », rappelant les périodes exploratrices des portes de la perception par l’américain Aldous Huxley. Développant une musique psychédélique spatiale allant du Velvet Underground jusqu’à la noisy de My Bloody Valentine en passant par la sauvagerie des Stooges, l’influence de Pierce fut croissante aussi sur une bonne tranche du rock indé US (se référer aux Black rebel motorcycle club et Warlocks).

Jason Pierce – qui navigue désormais sans Sonic Boom depuis une bonne dizaine d’années – continue avec Spiritualized ce qu’il avait entamé avec ses astronautes, avec un côté plus symphonique, essayant de trouver un son toujours plus puissant. Le perfectionnisme désormais légendaire de Pierce, grand admirateur de Phil Spector, est devenu également sa signature, réenregistrant et remixant maintes fois avant d’être satisfait. Ce son, notre architecte sonore le développe jusqu’à obtenir que sa musique fasse l’effet d’une drogue, d’où certainement une noirceur épaisse qui se dégage des morceaux, et qui ne livre sa substantifique moelle qu’après une écoute insistante.

Qu’en est-il d’Amazing Grace ? Peut-être moins ambitieux au sens psychanalytique du terme que Let it come down et Ladies and Gentlemen we are floating in space, mais aussi conséquemment plus « abordable », cet album se définirait plutôt comme le savoureux résultat de ce qui a précédé. C’est donc à un son plus épuré que Jason Pierce nous convie, sous une nappe paraissant plus classique mais qui cache une complexité toute aussi riche qu’auparavant et ne décevra aucunement les amateurs de finals puissants sur fond de larsen.

Encore une fois sur ce disque, l’empilement des pistes d’enregistrements reste la spécialité du maître : Harmonica, synthés, piano, guitares, basse, percussions, choeurs, violons, trompette et cuivres… cette armée d’instruments prouve le talent que possède l’anglais à mélanger les styles (jazz, garage-rock, psychédélique, classique) et les instruments dans une cacophonie symphonique. Une démarche qui n’est pas sans rappeler ce qu’aurait pu être le son de Pink Floyd de nos jours allié à l’esprit déjanté de Primal Scream.

Ce septième album de Spiritualized est construit comme un patchwork. Chaque titre amène le suivant, dévoilant la grande mégalomanie touche-à-tout de Pierce. Sa voix, le plus souvent travaillée comme sur « Hold On », où elle n’est pas sans rappeler un Bobby Gillespie, peut faire penser par moments (« Never goin’ back » par exemple) qu’il chante via un porte-voix, comme l’ont déjà fait The The ou actuellement The Strokes. Petit bémol tout de même : sur scène, Jason a beau faire le malin sur sa chaise mise de profil – comme si le public n’était pas assez méritoire du grand artiste qu’il pense être – il chante comme une casserole. Ceci pour remettre les choses à leur place…

D’une teneur assez bonne dans l’ensemble, Amazing Grace révèle quelques trouvailles dans l’univers de Spiritualized, notamment grâce à quelques dérivations tel cette trompette dans l’esprit très Calexico sur l’instrumental cajou « The Power and The glory ». Mais le fait d’avoir vu Spiritualized en concert au Botanique défendre « live » son nouveau répertoire joue certainement dans mon appréciation personnelle.

Il faut rappeler aussi que Jason Pierce est un grand amateur de musique américaine (la chanson « Never goin’ back » l’illustre parfaitement) , allant du gospel au folk en passant par le cajou, ce qui donne à l’introduction de ses chansons parfois un côté bucolique, vite effacé par le mur de guitares qui s’ensuit et le mélange à priori chaotique qu’il en fait.

On comprend en tout cas que l’originalité d’un Gospeed you Black Emperor et Mogwai ne soit pas tout à fait le fruit du hasard…

-Le site officiel de Spiritualized