« Fuyez le naturel il revient au galop » tel pourrait être le leitmotiv du second album du groupe de rock le plus en vue de la Big Apple. Et une excellente nouvelle, les strokes viennent encore de frapper un grand coup.


Les strokes… existe-t-il un autre groupe depuis 2001 qui n’ait autant fait parler de lui? Cette surmédiatisation est assurément à double tranchant. On peut critiquer le côté tête à claques de Julian Casablancas ou leurs poses BC BG’s (et vice versa), on ne peut par contre critiquer le contenu : un album imparable, précurseur d’un revival médiatique (et non musical, j’insiste) comme on en avait plus vu depuis la brit pop. On connaît la suite, le retour des guitares crasseuses sur le premier plan médiatique, avec un pensée salutaire aux Make up qui se sont séparés juste avant leur quart d’heure de gloire.

Rappelez-vous il y a encore trois ans, Fred Durst relançait la mode de la casquette portée à l’envers et Blink 182 faisait sa loi sur les charts avec un heavy punk lavant plus blanc qu’OMO micro. Ces blaireaux là passaient pour les nouveaux prototypes des rocker (enfin, pour une grande partie du monde, le rock, c’était ça).
Pour vulgariser un peu les faits, on en était revenu à peu près au même point qu’en 1991 lorsque Axl Rose se prenait pour dieu saint le père avec son hard FM. Bref c’était juste avant Nervermind. Et puis les Strokes/Nirvana sont arrivés au bon moment et sont devenus les nouveaux porte-drapeaux du rock n’roll, avec pour slogan éloquent : « Regardez, il existe d’autres groupes qui savent utiliser une fuzz et n’empilent pas 15 pistes de guitares pour plaquer trois accords. » Voilà ce que les strokes ont apporté, un retour légitime vers un son plus rêche. Basta.

Is This it fut un agréable compagnon de route de l’année 2001. Vraiment, cet album je l’ai écouté en boucle pendant trois ou quatre mois. Dégoté à l’époque dans une convention deux mois avant sa sortie, je me rappelle encore du disquaire qui vantait à qui voulait bien l’entendre que ce groupe serait la prochaine sensation. Après vérification, le bougre avait raison. Et puis petit à petit je me suis lassé du disque : trop de battage médiatique et de poses inutiles.
Julian Casablancas m’exaspérait, ses réponses durant les interviews sonnaient creuses, j’avais la vague impression d’avoir affaire à un neuneu. L’album reprit la direction de l’étagère pour ne plus y bouger pendant un an et demi. Et puis peu avant l’été et le retour annoncé des fils prodigue, j’ai reposé le cd sur la platine, plus par curiosité qu’autre chose. Et là surprise ! Le premier album des strokes vieillit bien. Très bien même, un sacré classique.

En cette fine de rentrée 2003, les « All-star » du rock doivent maintenant transformer leur premier essai, histoire de montrer de quel poids il se chaussent (Converse, vous suivez?). Au vu des premières critiques, on a un peu l’impression que l’engouement général se soit un peu tassé. Du moins en France, aucun magazine ne s’est risqué à mettre Room on Fire album du mois. Certes, le groupe reçoit des critiques élogieuses, mais pas aussi dithyrambiques que le retour de Radiohead ou des white stripes. La faute à un album mauvais ? Même pas, cette seconde livraison ne déçoit pas. Mais la méfiance règne, d’ù cette chronique un peu tardive, je dois l’avouer. La première réaction de votre humble chroniqueur fut donc de laisser mijoter Room on Fire pendant que toute la crème spécialisée se ruait dessus.

Une première écoute dudit objet laisserait penser que le parfum de première fraîcheur s’est estompé. Pas de notable évolution à première vue : l’ensemble sonne assez plat. Mais après quelques retours, on constate que le quintet ne s’est pas reposé sur ses lauriers et ce nouvel album est définitivement plus complexe. On sent que les petites frappes de Manhattan ont mis du coeur à l’ouvrage et de ce fait, Room on fire ne livre pas ses secrets d’entrée, mais renouvelle sans cesse ses invitations à l’écoute.

Autre bon point, les New-yorkais ont bien fait de virer Goldrich. Ils n’avaient vraiment pas besoin de ça, du moins pour l’instant. Ils ont encore le temps avant d’écrire de chansons sans queue ni tête qui ne font plus frissonner que les blasés. Non, les strokes savent écrire de bonnes chansons et doivent continuer. Le mot d’ordre semble donc être : « on prend les même et on recommence ».
Et ils nous le prouvent avec panache : « 12 : 51 », est un single enthousiasmant, augurant de très bonnes dispositions dignes des (déjà) classiques que sont « Last Night » et « The Modern Age ». Une pop faussement lo-fi tout bonnement irrésistible avec son refrain qui se sifflote sans répit.

« What ever happened ? » et « Reptilia », qui ouvrent les hostilites sur l’album, continuent dans la lancée et font preuve d’une inventivité guitaristique toujours aussi débridée. La marque de fabrique du groupe fait toujours mouche : ces guitares entremêlées les unes aux autres et qui ne font qu’un, comme du bon temps de Television.
Si Tom Verlaine et Lou Reed sont d’ailleurs toujours les parrains de cette promotion 2003, une nouvelle influence se fait toutefois entendre : la période charnière post-punk laisse la place à la New Wave. « The Way it is » et « the end has no end » laissent s’échapper quelques ambiances synthétiques, encore un peu timides.

Et puis derrière leurs airs de durs à/en cuir, ces gars-là sont des gentils, il suffit d’écouter les paroles de Casablancas sur « You talk way too much » ou « Between love & hate » pour s’apercevoir qu’ils ont du mal à se dépêtrer des relations amoureuses. Et cette faiblesse forcément universelle touche tout le monde. Pour enfoncer le clou, « Under Control » est aussi la première ballade du groupe. Touchante et pas mièvre pour un sou.

Alors oui, cet album est moins direct que son prédécesseur, mais risque d’avoir une durée de vie plus longue. Car les strokes ont le don d’écrire des petites pépites qui ne s’effacent pas de notre mémoire après cinq écoutes, la preuve que ce groupe mérite sa place au top 5 du podium rock n’ roll actuel. Bref, je pense que cette fois j’écouterai à intervalles plus régulières Room on fire, du moins jusqu’à la prochaine fournée. Promis juré.

-Un site plutôt bien fait sur les Strokes