De passage à Paris Tony Goddess est venu défendre la compilation posthume des Papas Fritas au Nouveau Casino. En cette soirée d’octobre, l’un des plus agiles artisans de la pop nous a offert un set solo acoustique charmant, enchaînant refrains mémorables des Papas et nouvelles compositions de première bourre. Une heure auparavant, Tony sirote un coca dans un café du coin, l’air rêveur. On se met à évoquer la fin des Papas Fritas, non sans un petit pincement au coeur, et sa nouvelle direction acoustique en solo, sans oublier de mentionner RushÂ…
Pourquoi sortir une compilation des Papas Fritas maintenant ? Etait-ce le bon moment ?
Tony Goddess : Je ne sais pasÂ… peut-être aurions-nous dû attendre encore un peu ? La raison pour laquelle nous avons sorti cet album, c’est que « Way You Walk » passe actuellement dans une pub TV aux Etats Unis pour les chewing gums. La pub passait à la télé 10 fois par jour, alors la maison de disque nous a dit qu’il fallait sortir un disque et profiter de cette opportunité. Je ne sais pas vraiment pourquoi ils ont fait ça, mais ça me convient.
Comment as-tu sélectionné les titres ?
La maison de disque voulait seulement trois chansons pour chaque album. A partir de là, le choix fut assez évident : « Passion Play » a été notre premier simple, « Tv Movies » a été utilisé dans une autre pub TV et « Holiday » était sorti en Angeleterre. Ce sont également mes trois chansons préférées du premier album. « Hey Hey You Say » était sorti également aux Etats-Unis pour Helioself, notre deuxième album. « Say Goodbye » a été repris par le groupe Ivy, une de nos meilleurs chansons. Sinon pour le reste, « Way You Walk » s’imposait d’elle même. « Questions » a été utilisé pour le film Dum & Dumber 2. Enfin « Vertical Lives » était une chanson de Keith (NDLR : Gendel le bassiste des Papas), sa meilleure.
En ce qui concerne les raretés, « Smash this world » a été la chanson qui nous a permis de nous faire connaître à nos débuts chez les gens de Minty Fresh (NDLR : label US du groupe), ils avaient entendu la chanson à la radio. D’autres raretés comme « Lame to Be » était uniquement sorties en vinylÂ… Tu sais, nous avons des tonnes de démos et raretés qui traînent, mais aucune n’ont de paroles terminées ni même ne sont abouties. Les titres qui sont présents sur l’album sont les meilleures chansons que nous avions terminé.
Est-ce que les autres membres ont participé à la sélection ?
Pas vraiment. Je les ai appelé pour leur demander ce qu’ils pensaient et ils m’on fait des suggestions. Ça s’est arrêté là.
Cette compilation est tout de même bizarre dans son approche. Pourquoi ne pas avoir rajouté plus de chansons tirées des albums ? Seulement neuf, ça fait un peu pauvre non ?
Franchement, je ne sais pas. C’est la maison de disque qui nous a suggéré cela et j’ai pensé que ce serait cool. L’album n’est pas vraiment un greatest hits, ni une collection de raretés, c’est une mixture des deuxÂ…
La couverture française diffère aussi de celle du pressage US. As-tu pris part aussi à son élaboration ?
Non, notre label en Europe s’est occupé de cela. Je l’aime bien aussi.
Oui, elle fait un peu penser aux Beach Boys.
C’est vrai. L’album a en fait été élaboré très rapidement. C’est Keith, notre bassiste, qui s’est toujours occupé des pochettes de nos albums, sur celle-ci également. Personnellement, je ne pense pas beaucoup au visuel ou à ce genre de choses.
C’est un peu paradoxal quand même que le groupe décide de se séparer alors que vous commencez à avoir un peu de succèsÂ…
Je pense que le succès est arrivé trop tard. Nous ne sommes jamais arrivés à gagner assez d’argent pour survivre. Les deux autres membres du groupe n’ont jamais vraiment rêvé d’être des musiciens à plein temps. Cela a toujours été un hobby pour eux. On allait à l’école et quand on avait fini d’étudier, on se disait : « tiens, si on allait jouer ? ». Dans un certain sens, c’est une honte, mais on s’est toujours senti bien dans cette situation.
Es-tu resté en bons termes avec Keith Gendel et Shivika Asthana ?
Oui, bien sûr. Shivika s’est mariée et Keith est parti en Californie pour continuer ses études d’architecture.
Tu as trente ans. C’est assez jeune pour commencer une carrière en solo.
C’est vraiÂ… (long silence). Tu sais, depuis 1994, les Papas Fritas ont traversé les Etats-Unis de long en large et également tourné en EuropeÂ… Je veux dire, c’est super, mais ce n’est pas une vie facile. Et plus spécialement quand on n’a pas d’argent.
Une vie pas aussi fun que ce que les gens pensentÂ…
C’est très étrange. Il y a tellement de gens qui se réveillent le matin et savent ce qu’ils ont à faire : ils vont aller travailler. Quand tu es musicien, tu n’as rien à faire de la journée avant le soir où tu vas jouer avec ton groupe. La vie en tournée est assez dure. Nous n’avons jamais vraiment gagné d’argent. Ce n’est que depuis que le groupe s’est séparé que je commence à gagner un peu ma vie grâce à cette publicité TV. Néanmoins, c’est une histoire parfaite : nous nous sommes beaucoup amusés et avons eu quand même du succès.
Les groupes que tu vénères n’ont de toute façon jamais cassé la baraque de leur vivant. Je pense aux Replacements, le Velvet Underground…
Â… ou Big star. Peut être que nous deviendrons un groupe comme ça ! La France a toujours été le pays le plus réceptif à notre musique. Mais les maisons de disque qui ont sorti nos albums ont toutes fait banqueroute. Nous n’avons donc jamais gagné d’argent là-dessus. Ce n’est pas que je sois obsédé par l’argent, mais c’est juste que c’est un business très dur. On a tout de même eu un peu de succès aux Etats-Unis : nous avons vendu là-bas 7000 disques de Buildings & Grounds, ce qui n’est pas si mal. Les Etats-Unis sont tellement grands, on peut jouer à New-York devant 5000 personnes, à Chicago ou Los Angeles. Mais entre les deux, c’est assez difficile.
Les gens avaient souvent du mal à vous coller une étiquette. Pour certains, vous êtes un vrai groupe de rock et pour d’autres vous avez une image plus lisse et pop. Penses-tu que cela a eu des répercussions sur votre carrière ?
Pour moi, cela n’a jamais été un problème. Mes groupes préférés ont toujours essayé de faire plein de choses différentes, comme les Beatles. Pour les Replacements aussi, ils avaient tellement d’autres influences. Je pense que c’est ce qui fait les bons albums. Il y a tellement de groupes qui se cantonnent à un ou deux styles, c’est assez ennuyeux à la fin.
Mais il est vrai que c’est facile de dire que : « tout ce qu’ils font c’est jouer des riffs énormes, ou faire de la musique discoÂ… ». De toute façon, je n’en ai rien à cirer. Je fais ce que je fais. Je pense que c’est le but de chacun de grandir et changer. La plupart des groupes sortent un premier album et ceux qui suivent sont pareils. Regarde les Beatles, ils changeaient à chaque album.
Est-ce que tu vas jouer de nouvelles chansons ce soir ?
Yep. La maison de disque m’a dit que peut-être je pourrais jouer un peu de Papas Fritas pour la tournée. Alors j’interprète quelques chansons du groupe, mais c’est assez différent parce que je suis seul avec ma guitare acoustiqueÂ… ça sonne un peu country (sourire). Et puis je joue une poignée de nouvelles chansons que j’ai composée en solo. J’ai inclus également à mon répertoire une reprise des Beach boys, « It’s over now » qui date de 1975/76. Elle fut seulement disponible sur le coffret du groupe.
Est-ce que tu as terminé ton album solo ?
Non, je ne l’ai pas encore terminé. J’étais venu l’année dernière à Paris pour enregistrer quelques démos. Je les ai enregistrées avec un groupe, mais j’ai décidé finalement de ne pas continuer avec eux. Je veux faire un album solo. Quand je rentrerai à la maison, je vais commencer à enregistrer mon album. Peut-être qu’il sortira l’année prochaine.
Est-ce que tu as déjà une idée de comment va sonner ton album ?
Je pense que ce sera comme les Papas Fritas. Enfin pas vraiment, mais avec l’idée d’utiliser différents styles musicaux, comme faisait les Papas. Ce sera plus rock, peut-être aussi avec un feeling plus blues. Ma voix se porte plus à ce genre de musique.
Tu travailles toujours dans un magasin de disque ?
Non, je suis juste songwriter en ce moment. Je gagne ma vie grâce aux royalties de la pub et ce nouvel album. J’ai écrit une chanson pour un groupe qui s’appelle Guster. Ils ne sont pas connus par ici mais ils sont assez célèbres aux Etats-Unis. Leur album s’est écoulé à 150 000 exemplaires. Alors voilà, j’essaie de faire des trucs comme ça, mais je ne sais pas comment produire des groupes. Je veux travailler sur ma propre musique et non pas gâcher mon temps pour d’autres. La meilleure chose que je sais faire, c’est écrire des chansons.
Tu as pourtant travaillé avec les Faraway Places en tant que producteur.
Un petit peu, ce sont des amis à moi. Je n’ai pas produit tout l’album, juste une ou deux chansons. La musique est différente des Papas Fritas, c’est plus instrumentalÂ… Je l’ai fait gratuitement, sans arrière pensée.
Le groupe a splitté, mais sur votre site internet, vous n’avez fait aucune déclaration.
Oui, c’est vrai. C’est Keith qui est en charge du site web, il est tellement occupé avec ses études. Il faudrait que je lui demande de faire quelque chose, ça devient ridicule. Je vais monter mon propre site internet et quand il sera terminé, je lui demanderai qu’il écrive que le groupe est séparé.(silenceÂ…) Les papas fritas ont joué deux concerts en 2002, puis Keith et Chris (des Faraway Places) sont partis à Los Angeles. Chacun est parti dans son coin pour mener sa propre vie. Si nous retournons de nouveau en studio, je sais qu’il n’y aura pas de plan pour l’avenir. Et je ne veux pas enregistrer mes chansons avec les Papas Fritas dans cet esprit . C’est terminé.
Je comprends. Est-ce qu’il y a des groupes qui t’excitent actuellement ?
J’aime beaucoup les Flaming Lips. J’écoute en fait toutes sortes de musiques : Sam Cooke, BB KingÂ…
Tu es dans un trip bluesy en ce moment ?
Oui. J’écoute beaucoup de musiciens issus du Texas : Freddy FenderÂ… ce genre de choses.
Il y a également de bons groupes de rock en ce moment au Texas, je pense notamment à And You will know us by the trail of dead ?
Heu, c’est assez puissant comme groupe, non ? J’ai entendu parler d’eux. Ça sonne comme Rush je crois.
Rush ? ha non, pas du tout ! Tu aimes le rock progressif ?
Quand j’étais gosse j’écoutais ce genre de truc. Ils sont vraiment énormes aux Etats-UnisÂ…
Les papas fritas vont nous laisser orphelins, peu de groupes actuels savent composer des pop songs aussi immédiates. Je ne vois que les Shins qui pourraient reprendre le flambeau.
Oui, ils sont bons. C’est flatteur de nous comparer à eux, Ho inverted world était vraiment excellent. As-tu écouté leur nouvel album ?
Non pas encore. Il paraît que c’est plus acoustique que son prédécesseur.
Vraiment ? Il faudra que je l’achèteÂ…
Papas Fritas, Pop has freed us (Minty Fresh/Discograph)