Ce fascinant combo californien – dans lequel officie Ben Chasny – tente de réhabiliter l’acid rock tendance lourde, tout en crachant une musique cauchemardesque et impressionnante.
En relisant une interview d’Angus Young la semaine dernière (dans le supplément Inrocks 70’s, vivement recommandé !), ce bon vieux diablotin d’AC/DC nous expliquait que l’attitude rock était tout sauf une question de look. L’humble moine à corne déblatérait entre autres que « C’est pas parce que tu fumes une cigarette que tu es rock, l’esprit rock tu l’as en toi, pas besoin de se cacher derrière des fringues ». Outre une volonté perfide de lyncher en place publique ces p’tits bourges de Strokes, force est d’admettre qu’il a un peu raison le bougre.
On pourrait ajouter qu’on n’a pas besoin non plus de se fringuer en rouge et blanc, voire porter un costume d’écolier, seul compte l’énergie et la musique finalement, en tout cas dans le créneau qui nous intéresse… Et puis si les maisons de disques ne signaient que des groupes en Converse, on n’aurait sûrement pas à l’heure actuelle dans les bacs des rayons Pixies, Fugazi, Queens of the Stone Age à se mettre sous la dent, ni de Comets on Fire.
Les comètes en feu n’ont d’ailleurs pas attendu que les guitares garage bien crades soient revenues au goût du jour pour ressortir leurs pédales fuzz du placard. Activiste d’un rock noisy et psychédélique radical depuis 2000, ce combo ne ressemble pourtant à rien dans le paysage rock actuel, avec leur sens de l’expérimentation – limite malsain – emprunté à Hawkind et Blue Cheer.
Originaires de Santa Cruz en Californie et déjà auteur de deux albums, nos rockers de la côte ouest étaient jusque là réputé pour leur puissance sonique (catégorie larsen assourdissant) et surtout pour avoir régulièrement comme invité de luxe sur ses albums précédents le folkeux paranoïaque Ben Chasny, plus connu sous le pseudo Six Organs of Admittance.
Signé récemment chez Sub Pop (pratiquement en même temps que Six Organs chez Drag City), cette promotion méritée leur a permis de sortir de ce statut de groupe « culte » pour celui de groupe « reconnu ». En tout cas, c’est tout ce qu’on leur souhaite. L’autre bonne nouvelle, c’est l’intégration définitive de Ben Chasny dans leurs rangs, qui aux dires de certains composait la plupart des morceaux consistants.
Sinon, musicalement, ce nouvel opus ne bouge pas d’un iota la ligne directrice ébauchée sur les deux disques précédents. Sur les huit titres jetés ici en pâture, tout n’est pas comestible voire même assourdissant, mais il se dégage une puissance que peu de groupes peuvent se targuer d’égaler.
Sur Blue Cathedral, on sent bien qu’aucune – mais vraiment aucune – concession n’a été faite pour rentrer dans le moule du « p’tit groupe de rock sympa ». Ça commence avec un riff très brutal, du style Queens of the Stone Age, la rage du MC5 live en plus (« The Bee and the Cracking Egg »). Tout baigne dans un larsen vintage (début 70’s plus exactement) et une reverb démesurée, soit 7 minutes 45 secondes d’intensité rock sans aucun temps mort.
On pense aussi à du Pink Floyd post Barrett (« Brotherhood of the Harvest ») , voire du King Crimson joué par les Stooges. Toujours hanté, « Wild Whiskey » est un instrumental certainement apporté par Ben Chasny, mélangeant l’acid rock californien au folk psychédélique d’un Fairport Convention.
Même durant les moments d’accalmie, une sorte de menace et d’anarchie permanente traîne derrière.
Sur « The Antlers of the Midnight Sun », l’omniprésent Chasny étrangle une pédale Vox, accompagné dans cette descente aux enfers par une batterie incontrôlable et des hurlements incompréhensibles (cela va de soi vous me direz). On sent qu’un riff tente bien d’émerger au bon milieu de cette bouillie, mais le vacarme est trop puissant pour lui laisser ne serait-ce qu’une chance.
Arrivé au bout de ces huit titres spectaculaire, on pose l’écouteur lessivé, quelque chose nous a changé… Blue Cathedral, est une messe lourde, un mauvais trip du style Las Vegas Parano, qui aurait tourné au cauchemar. Repentissez-vous mes frères.
-Le site de Comets on Fire chez Sub Pop
-La chronique de Six organs of admittance – [Compathia
->http://pinkushion.com/chroniques.php3?id_article=544]