Cette galette surprend par la virtuosité – autant dans la musique que dans les paroles – que Keren Ann s’applique à donner à sa musique.
Keren Ann est une Hollandaise plutôt prolifique. Elle semble en tout cas bien décidée – et bien placée – à devenir un nom important dans le milieu huppé de la nouvelle scène de la chanson française qui éclôt depuis quelques années maintenant, aux côtés de la jolie Carla Bruni. On se souvient de son dernier album, Not going anywhere, sorti l’année dernière, qui distillait de belles mélodies prometteuses (en anglais). Il y eut ensuite le duo Lady & Bird avec Bang Gang (mais fallait pas le dire, la bio stipulait qu’il ne fallait pas les nommer en tant que tels – Keren Ann et Bang Gang – car Lady & Bird était un projet à part entière et bla bla bla… histoire de se faire de la pub quoi). Le duo en question était pas mal, sans plus.
On ne s’attendait – du coup – pas à un album aussi abouti que Nolita. Car cet album brille par ses arrangements, ses collaborations, ses imiscions du jazz et du classique qui en font un beau petit coffret de douceurs. Le titre éponyme en est un exemple frappant : nappes de violons en crescendo pour cet automne brumeux, avec des sursauts de saxophone.
L’autre facette (car il y a une autre facette) de Nolita est à rapprocher de la soul music et du folk. « Roses & Hips », et beaucoup des titres dans la langue de Shakespeare (qui remplissent une bonne moitié de la plaque) voient apparâitre un harmonica. « Song for Alice » pourrait être tirée d’un film à la Paris Texas, avec la narration de Sean Guillette.
Enfin, des titres tout en finesse, d’une beauté cruelle sont là pour achever de nous convaincre de l’excellence de ce disque : « One day without » est à ce titre sublime. La voix d’Anna y est mélancolique et maternelle. On est happé par « La forme et le fond », quand, accompagnée par une basse groovy (groggy?), un violon pleureur et un chant à la Cocorosie (il s’agit de la soprane Nicole Renaud), elle chante : « Mais quand je crie, nul n’entend« . Les superbes photos du livret illustrent plutôt la suite du refrain : « mais nul ne voit à quoi je pense« .
Enfin, c’est par les paroles de « L’onde amère » que je vais donner le mot de la fin : « Suivre l’onde amère, Apprendre à vivre à ciel couvert, Se résoudre à ne plus avoir de repères, en avoir l’air« .