Second volet de réédition du plus célèbre groupe pop de Brisbane après ceux de 2002, il faut dire que l’on attendait avec impatience ce second volet contenant Liberty Belle and The Black Diamond Express et surtout Tallujah et 16 Lovers Lane, « magnum opus » de la carrière du groupe. Comme pour les rééditions précédentes, le travail est magnifique dans la tradition des Deluxe éditions qui bourgeonnent depuis quelques années et crèvent notre porte-feuille. Au passage, l’initiateur dans cette mode ne serait-il pas Morrissey ? On se remémore en 1998, le Moz en retraite alors anticipée, qui avait en effet lancé une édition anniversaire prestigieuse de Viva Hate en 1998.
Bref, pour en revenir à nos moutons australiens, chacun des trois albums est remasterisé et accompagné d’une piste multimédia contenant des clips (pas trop mauvais pour un groupe de rock indé 80’s). Chaque album est bien entendu agrémenté d’un livret copieux décortiquant scrupuleusement le contenu du disque, avec photos inédites (souvent tirées des sessions pour la pochette du disque), et puis surtout ces seconds cd regorgeant chacun de précieuses démos, faces B et autres inédits. Dans ce cas de figure, il faut signaler impérativement que les faces B chez la bande à Forster et Mc Lennan sont tout aussi vitales qu’elles le furent chez les Smiths, et plus spécialement pour Tallujah et 16 Lovers Lane. En ce temps là, les Go-Betweens, malgré leur confidentialité, semblaient touchés par la grâce et ne produisaient que du fin gourmet.
Liberty Belle and the Black Diamond Express (1986)
Liberty Belle… paru en 1986 est enregistré à Londres où le groupe réside à l’époque depuis déjà trois ans, le marché européen semblant le plus propice au groupe. Dans la hiérarchie discographique, l’album marque un tournant créatif, désormais plus porté vers la pop-song parfaite, certes déjà démontré sur les opus précédents, mais l’intensité tenant cette fois sur la durée d’un disque entier. Et pourtant, en plein milieu de cette euphorie créative, les Go-Betweens essuient les plâtres.
Remercié consécutivement par Rough Trade et Sire pour raisons d’échec commercial cuisant, le groupe est récupéré in-extremis par Beggars. Conscient peut-être de jouer leur dernière carte, Liberty Belle est un retour vers un format plus direct, plus pop. Le son est encore rêche, moins travaillé que sur les deux prochains disques, mais la richesse des arrangements démontre déjà que les exilés australiens sont sur la voie de l’excellence et de la postérité. Autre surprise, la production a magnifiquement bien vieilli, peut-être même moins marquée par le temps que les deux autres rééditions. A plus d’un titre, les amateurs du Velvet Underground sont certainement ceux qui chérissent le plus cet album, moins subjuguant que ce qui va suivre mais pas moins indispensable.
Le disque s’ouvre sur le magistral “Spring Rain”, classique du groupe qui fait toujours merveille sur scène, une de ses mélodies tampon dont seul Robert Forster et Grant Mc Lennan semblent détenir la clé. Autre merveille, “The Wrong Road” avec ses arpèges brumeux qui passent du gris à la lumière subitement grâce aux arrangements de violons d’Audrey Riley. Placé à la fin du disque, “Palm Sunday” et “Apology Accepted” sont deux grands classiques oubliés de cette période qui mériterait une sérieuse réévaluation. Sur “In The Core Of a Flame”, Mc Lennan chante « Why Burn in Hell when you burn for love ? », cette diatribe résume à elle-seule l’essence des Go-Betweens : des pop-songs crève-coeur où la flamboyance suicidaire l’emporte sur la capitulation.
Tallujah (1987)
Moins ovationné que son successeur 16 Lovers Lane, Tallujah (1987) n’en est pas moins du même tonneau. Plus baroque, l’avant-dernier album des Go-Betweens ne mérite pourtant pas cette réputation de rampe de lancement créative pour 16 Lovers Lane. Aussi abouti, il m’est personnellement impossible de choisir entre ces deux pavés, peut-être bien le doublé le plus magistral de la pop eighties. La montée en puissance discographique est en tout cas comparable à celle des Smiths, entre Meat is Murder, The Queen is Dead et Stranger Here We Come. Considéré comme sur-produit à l’époque, on ne dénote peut-être qu’une seule ou deux fautes de goût (L’intro de “Cut It Out” a pris un sacré coup de vieux), mais demeure toujours digeste grâce au songwriting imparable des deux australiens fan de Godard.
“Right Here”, premier single de l’album placé en tête du disque, est un véritable mystère. Comment une mélodie aussi ensorceleuse a-t-elle pu faire un énième flop aussi retentissent ? Avec ses cordes tourbillonnantes, véritable invitation à l’extase. Au passage, il faut signaler le travail d’orfèvre d’Amanda Brown, nouvelle recrue prodige responsable des arrangements de cordes et haut-bois et futur petite amie de Mc Lennan,. On peut d’ailleurs observer avec flagrance le travail apporté par la violoncelliste sur les quelques démos épurées livrées sur les cd bonus. C’est peut-être d’ailleurs ce qui manque aux Go-Betweens version 2004, cette sensibilité féminine plus prononcée qui apporte ce je ne sais quoi de miraculeux.
En attendant, “You Tell Me” pourrait résumer parfaitement le terme de Perfect Pop Song : composition sentimentale avec un refrain en apesanteur, ces 3 minutes 30 filent toujours autant le frisson voire des larmes de bonheur. Une merveille, il n’y a pas d’autres mots pour décrire ce chef-d’oeuvre, mais il y en encore quelques autres des titres renversants qui suivent sur Tallujah : les poussés d’adrénaline sur le tourmenté “The House That Jack Built”, ou “I Just Get Gaught Out”. Arrivé au bout de ses dix perles, le constat est édifiant, si l’histoire des Go-Betweens s’était terminée sur Tallujah, nul doute que la légende brillerait autant qu’aujourd’hui.
16 Lovers Lane (1988)
Que dire de cet album parfait qu’on n’a pas encore dit ? Pas un seul titre de remplissage, voilà ce qu’on appelle un classique – obscur certains diront, « ultime » pour les initiés – mais tout amateur de pop indé 80’s se doit d’avoir ce disque dans sa discothèque.
De retour à Sidney à la fin de l’année 1987, les Go-Betweens sont à bout. Conscients d’avoir donné chaque fois et en constante croissance le meilleur d’eux-mêmes depuis plus de 10 ans, on comprend qu’avec le sommet discographique qu’est 16 Lovers Lane, et encore une fois l’absence patente de reconnaissance publique, les Go-Betweens aient décidé de jeter l’éponge. Difficile en effet pour un groupe de pop de maintenir un tel cap d’excellence. Ce qui marque le plus le split du groupe, c’est ce sentiment d’injustice et de gachit, conscient que la paire Forster/Mc Lennan avait alors atteint un degré d’excellence et de communion précieux.
16 Lovers Lane possède un parfum bucolique tout à fait rare, magnifié des arrangements toujours aussi scintillants et puis une succession impressionnante de pop songs au spleen magnifique. Il y a encore quelques singles entêtants “Streets of Your Town”, “Love Goes on”, et puis encore un must, “Clouds”, un véritable mouchoir en soie cerné de dentelle qui aura fait essuyer bien des larmes aux coeurs éperdus.
Comme toujours chaque chanson est interprétée par son auteur, “Quiet Heart” chanté donc par Mc Lennan, est une accusing song sur les tourments que procurent l’addiction à l’amour avec toujours plein de références bien tournées (« What is That Ligt, That small red light… Scorpion Rising »). De son côté Forster livre une chanson fulgurante et intimiste “You Can’t Say no Forever”, où ses harmonies vocales divines sont propulsées par un enchevêtrement de guitares acoustiques/électriques élégantes.
Au menu des Bonus, très rares à se procurer (exception peut-être pour ceux qui possède la compile de démos des Inrocks paru en 96), on retrouve encore une fois quelques inédits qui prolongent miraculeusement le bonheur (“Mexican Postcard”, “Rock and Roll Friend”, le très Pogues “Running The Risk Of Losing You”) et puis une reprise de Dylan (You’re a Big Girl Now). Ces titres exhumés ont tendance à alourdir le dossier et démontrent encore une fois qu’en 1988, les Go-Betweens étaient intouchables.
16 ans après la sortie de 16 Lovers Lanes, les Go-Betweens demeurent encore un groupe méconnu, mais de mémoire, on ne connaît personne n’ayant pas, à la simple écoute de 16 Lovers Lane, adhéré à vie au club fermé des meilleurs fendeurs de coeur de Brisbane. Toujours dans notre panthéon personnel.
–Lire également notre entretien avec les Go-Betweens (mai 2003)
–Liberty Belle and the Black Diamond Express, tracklisting :
Disque : 1
1. Spring Rain
2. Ghost and the Black Hat
3. Wrong Road
4. To Reach Me
5. Twin Layers of Lightening
6. In the Core of the Flame
7. Head Full of Steam
8. Bow Down
9. Palm Sunday (Or Board the SS Within)
10. Apology Accepted
11. Spring Rain [Multimedia Track]
12. Head Full of Steam [Multimedia Track]
Disque : 2
1. Life at Hand
2. Don’t Let Him Come Back [New Version]
3. Apology Accepted [Radio Session]
4. I Work in a Health Spa
5. Bow Down [Early Version]
6. Casanova’s Last Words
7. Head Full of Steam [Single Version]
8. Little Joe
9. Wrong Road [Early Version]
10. Reunion Dinner
11. I’m Gonna Knock on Your Door
–Tallujah, Tracklisting
Disque : 1
1. Right Here
2. You Tell Me
3. Someone Else’s Wife
4. I Just Get Caught Out
5. Cut It Out
6. House That Jack Kerouac Built
7. Bye Bye Pride
8. Spirit of a Vampyre
9. Clarke Sisters
10. Hope Then Strife
11. Right Here [Multimedia Track]
12. Bye Bye Pride [Multimedia Track]
Disque : 2
1. Time in the Desert
2. I Just Get Caught Out [Early Version]
3. Don’t Call Me Gone
4. Right Here [Early Version]
5. If I Was a Rich Man/The House That Jack Kerouac Built [Radio Session]
6. When People Are Dead
7. Clarke Sisters [Early Version]
8. Little Romance
9. Bye Bye Pride [Radio Session]
10. Doo Wop in ‘A’ (Bam Boom)
–16 Lover Lane Tracklisting
Disque : 1
1. Love Goes On!
2. Quiet Heart
3. Love Is a Sign
4. You Can’t Say No Forever
5. Devil’s Eye
6. Streets of Your Town
7. Clouds
8. Was There Anything I Could Do?
9. I’m Allright
10. Dive for Your Memory
11. Streets of Your Town [Version 1][Multimedia Track]
12. Streets of Your Town [Version 2][Multimedia Track]
13. Was There Anything I Could Do? [Multimedia Track]
Disque : 2
1. Love Goes On! [Single Version]
2. Wait Until June
3. Mexican Postcard
4. Rock and Roll Friend
5. Casanova’s Last Words
6. You Won’t Find It Again
7. Running the Risk of Losing You
8. Apples in Bed
9. Head Over Heels
10. You’re a Big Girl Now