Avec Crestfallen, troisième album des bouillonnants Acetate Zero, nos parisiens ont encore une fois démontré leur maîtrise absolue d’un post-rock en lévitation, à la fois défricheur et sensible. Pour essayer de mieux cerner ce qui se cache derrière ce mur du son, nous avons demandé à Stéphane, guitariste et également gardien des bacs à disque Festen, de nous rédiger une petite liste de ses groupes favoris ou formations obscures si chères à Acetate Zero. La réhabilitation est donc en marche. Quant à nous, nous n’avons plus qu’à repartir fouiner dans les bacs de seconde-main, ou traquer sur e-bay la perle rare. Bonne chasse.
DEAD C ‘Harsh 70’s reality’ 2lp (Siltbreeze) 1992
Avant de posséder ce disque, je pensais que leur meilleur était The white house. Avant de posséder The white house, je pensais à pas grand chose. Mais c’est bien ce double album qui est leur pierre angulaire, un véritable monument du rock expérimental. Ce groupe est culte car peut-être ils n’ont rien fait pour le devenir, forcément. Mais c’est pas seulement ça, le trio néo-zélandais a poussé dès leurs premières exactions le rock dans ses derniers retranchements mariant leur lo-fi noise abrasive mélancolique à une certaine beauté éthérée, sans aucune espèce de compromis. On les qualifiait de Sonic Youth du pauvre en 88 mais désormais, c’est Sonic Youth qu’on surnomme les Dead C du riche. Leur dernier disque The damned est excellent.
DISCO INFERNO ‘D.I GO POP’ LP (Rough Trade) 1994
Tout bonnement, la grosse classe. Une mine qui 10 ans après reste inépuisable. Des débuts calés sur Joy Division jusqu’aux premières éclaircies (Summer’s last sound), un maxi pop imbattable (The last dance) et enfin ce chef d’oeuvre. Un album étrange livrant une approche électro-acoustique parfaite et un art du sampling en état de grâce. Un véritable jeu de pistes entre sérénité absolue et des phases intensément chaotiques et qui, à force de les brouiller les rendait inestimable . (Leur réputation sur scène valait celle de My Bloody Valentine). Le plus bel album post rock au sens réel du terme.
TEENAGERS IN TROUBLE ‘vs Fat Paul’ LP (Swarf Finger) 1996
Projet secret de Richard King (Planet rds master/ FSA/ Wigwam). Du folk bastringue dérangé parfois par un drone bouillant et une bonne dose de déflagrations primitives lacérées de feedback. On croirait entendre Beck sur des charbons ardents. Du garage punk hors catégorie avec en prime un mix jungle grosse balle de Rat man. Bristol forever !
3d’s ‘Swarthy songs for swabs’12 » (Flying nun) 1991
2eme EP qui stigmatise toute la magie de ce groupe : une poèsie féerique évoquant Dunedin et leur Nouvelle-Zélande, le jeu des 2 guitares jumelles mené par ce satané David Mitchell alternant le chaud et le cramé jusqu’à rendre leur pop incendiaire. Malheureusement, je n’ai jamais les voir live : en 93, leur concert sur Paris fut annulé pour cause de décès familial. Avec Fab, on reste inconsolables.
JONATHAN RICHMAN AND THE MODERN LOVERS ‘Rockin’ and romance’ LP (Twin/tone records) 1982
Jamais je m’en lasserai. C’est innocent, naïf, limpide, pop, folk et vivant. Avec les Ramones, c’est la BO de mes étés et c’est un des disques les plus efficaces pour être saoul fissa. Un grand disque de rock donc et un grand bonhomme.
REMOTE VIEWER ‘s/t’ LP (555) 1998
Quand, et ce, sans être prévenu (tout à fait leur genre), j’ai écouté ce disque pour la première fois, j’ai immédiatement pensé qu’il n’y avait plus besoin d’acheter de disques électro jusqu’à la fin des temps. Même si l’album que j’avais sorti d’eux sous le nom de Famous Boyfriend 2 ans auparavant préfigurait ce coup de maître en montrant un sens inoui du songwriting (qui s’était fatalement bien senti à l’étroit quand ils jouaient au sein de Hood ). Les morceaux de cet album surclassent la totalité du catalogue de Warp (Boards of Canada inclus) en magnifiant les fondamentaux du genre : breakbeats tueurs, millimétrage des clickitts, minimalisme des effets et des mélodies avec en latence cette incroyable mélancolie post-victorienne. Depuis cette alchimie expérimentale pop et lo-fi, Remote Viewer plus soft n’a pas fait mieux. Et personnes d’autres dans le genre non plus à ma connaissance. On est fiers du remix qu’ils ont fait sur notre 1er album. Le mauvais calcul était de les payer en bières : un vrai désastre économique.
THE BECKETTS ‘Lust’ LP (Bad girl) 1991
L’étendard de notre jeunesse folle. Avec Fab (1 des gratteux d’acetate zero), à l’épôque, on croyait à pas grand chose, je l’ai déjà dit, si ce n’est à ce brulôt noisy pop. ‘Persephone’, ‘Janitor sound’ , ‘Electra’. autant de ‘Freak scene’, la classe britannique en plus, les Dinosaur Jr du Somerset, l’érudition option Grèce antique en moins. Mais non, en plus, évidemment : Mascis, c’est pas
pour dire mais en grec, il vaut pas tripette. La rumeur disait que la pochette représentait en fait un très gros plan de la toison de Madonna. On les avait rencontrés pour mon fanzine de l’époque et je peux confirmer que cette rumeur était bien fondée. Ils ont fait aussi un maxi sublimissime (comme dirait l’autre) Me & Robert Forster qui contient “Burn Margareth Burn” qu’on reprend souvent en concert.
FURTHER ‘Grimes golden’ 10 » (Fingerpaint) 1995
Dissonance toute lo-fi,, sixties, pures mélodies et des tonnes de cheap guitars fuzz : le cocktail n’est guère neuf mais depuis début 90 (avec parallèlement leur autre groupe The Summer Hits), ce groupe a laissé sur place tous les minables philosophes de l’indie rock en insufflant ce vieux fantasme : le viol des Beach Boys par Dinosaur Jr (les Jesus & Mary Chain sont déjà passés dessus). Maintenant, Darren continue avec The Tyde à croire aux acides.
LES AUTRES ‘Le retour à la lune’ CD (Cornflakes Zoo) 1995
Un groupe, symbole d’une époque en France, où faire du rock pour certains c’était avant tout une histoire de beauté et de bon goût et pas seulement une vaine collection de références et d’attitudes. En 95, Les Autres ont déjà fait des 45 tours et ont déjà mis une branlée, sauf leur respect, à Lucie Vacarme de par l’intelligence de leurs compositions. Cet album enfonce le clou. Bénéficiant d’une production probante, les morceaux baignent dans une mélancolie cotonneuse jamais très loin des Pale saints.
Evidemment, les ventes ont été plus bas que terre. Mais qu’importe, le rock indie français était devenu signifiant. La preuve par la suite via Mils et Bertuf.
ALVARIUS B ‘S/T’ LP (Abdction) 1994
L’avant guitariste des Sun City Girls, Alan Bishop envoyait sur ce premier LP en solo le blues en expédition en Asie, ou en Afrique du nord. Un peu partout en fait. Déshabillée de tout effet, cette collection d’instrumentaux posait une pierre aux fondations de l’americana / Psych folk. Une pierre brute taillée pour l’aventure, qu’un double LP en 98 viendra confirmé.
-Le site d’Acetate Zero
-Le site du label Arbouse recordings
-Lire également notre chronique du dernier album d’Acetate Zero Crestfallen