Avec un premier album impressionnant de maturité, Micah P.Hinson est peut-être en passe de devenir l’un des plus brillants songwriters de sa génération. Superbe et troublant.


Le premier album de Micah Paul Hinson aurait pu être un chef d’oeuvre, un coup de maître terrassant de maturité à la vue du jeune âge de son auteur. Mais Micah P. Hinson And The Gospel Of Progress comporte au final treize et non douze chansons. Sans cette faute de goût impardonnable que sont les beuglements de vieil alcoolique de “Patience”, on aurait tenu là matière à de sévères fantasmes futurs.

L’alcool (cette voix bouffée par le bourbon), la dope, et autres décadences, ce jeune Texan de 23 ans est passé au travers. Tout ça pour les beaux yeux d’une muse, modèle pour le magazine Vogue et veuve d’une rock star notable de Abilene, Texas. Tôlard précoce, puis abonné aux jobs peu glamours et à une vie où les galères s’accompagnent souvent de dépressions chroniques, Micah P. Hinson aura balancé toute sa vie dans ses chansons composées sur des instruments de fortune. Le résultat se trouve aujourd‘hui hébergé sur le label anglais Skechtbook, chez qui on retrouve également le doux dingue Daniel Johnston.

Dès l’introductif “Closes Your Eyes”, comptine en forme de berceuse qui finit en chevauchée fantastique, on voit d’emblée l’assurance que possède Micah Paul Hinson en matière d’écriture. Sur une base aride à l’acoustique rêche viennent ainsi se poser de subtils arrangements de cuivres, choeurs et autres cordes sans jamais tomber dans l’ornementation décorative ou la profusion emphatique. Tout est ici élégant et terriblement harmonieux.

Brillamment entouré par les artisans des Earlies, Micah P.Hinson livre un folk urbain aux arrangements luxuriants où piano, électricité, violoncelle, accordéon viennent donner un relief saisissant à ces chansons d’un autre âge et pourtant résolument ancrées dans notre époque. On pense parfois à l’écriture de Smog ou Will Oldham mais en plus orchestrée, à la classe du regretté Johnny Cash, à la voix de Kurt Wagner. On pense surtout qu’à seulement vingt ans, Micah P.Hinson est impressionnant de maîtrise dans son art du songwriting : dynamiques parfaites, justesse du propos, équilibre fragile des émotions, éloge à la mélancolie à travers de somptueuses et tendres ballades ( le superbe final “The Day Texas Sank To The Bottom Of The Sea”)

Sombre mais jamais fataliste, ce premier album impose directement Micah P.Hinson dans la cour des grands. Reste à savoir si la grâce qui a touché le jeune Texan sur ces chansons l’accompagnera encore dans le futur.

– Une page dédiée à Micah P. Hinson sur le site de Sketch Book