L’emblême du spoken world nous livre son cours magistral de politique et de sociologie sur fond d’un punk hip hop qui ne pouvait que mettre en valeur ses propos engagés.
Saul williams est considéré aux Etats-Unis comme le nouveau porte-drapeaux de la poésie contemporaine et de ce que l’on appelle le « spoken word », sorte d’exercice politique qui instruit – dans le cas présent – les minorités et autres courants de pensée alternatifs. Tout a commencé par un film (et quel film!), Slam, couronné au Festival de Cannes et de Sundance, qui l’a fait connaître comme poète, écrivain (il a écrit trois recueils de poésie) et acteur.
Emblème de la contre-culture, il donne des conférences dans les plus prestigieuses universités, et écrit aussi pour des revues et des journaux (New York Times, Details, Esquire
…), il est, on peut le dire, un intellectuel touche-à-tout sacrément doué. Fils d’un prêtre prédicateur et d’une mère enseignante, il étudiera d’abord la philosophie, pour après s’inscrire dans une école de théâtre. Fort de ses deux disciplines, il commence à pratiquer sa spoken word poetry dans les cafés.
Amethyst rock star, sorti en 2000 (comble de l’ironie, il ne sort qu’en 2001 aux USA…), a été produit par le grand Rick Rubin (avec qui ça ne se passera d’ailleurs pas très bien – pour la petite histoire, qu’il raconte dans une interview sur www.jambase.com , le producteur mega-star n’avait jamais écouté tous ceux qui ont influencé Saul, tels que De La Soul, A tribe called quest, Björk, Portishead ou Tricky… Il y dit également que le fait de l’avoir pris comme producteur et d’avoir signé sur son label n’avait pas facilité les choses). Cela étant dit, cet album l’a néanmoins propulsé sur la scène hip hop au bon moment puisque cette dernière rimait de plus en plus avec pompe à fric et magouille, ce que lui était censé combattre à ses débuts… Il n’est cependant pas tout à fait content de cet album, et revient aujourd’hui avec un disque auto-produit, accompagné par un gars de The Mars Volta,(Isaiah Ikey) qu’il a connu lors d’une tournée avec feu At The Drive In.
Saul Williams a ramené le rap vers ses racines : celles d’un combat quotidien des ghettos et autres cités contre le système, et non publicité à peine déguisée d’un american way of life décadent (alcool, drogues, sexe et argent). Jugez plutôt : We will be confiscating weed supplies and replacing them with magic mushrooms in hopes of helping niggas see beyond their realities.
Le premier titre, écrit par Serj Tankian (System of a Down), en guise d’intro, est bien illustratif du bonhomme et de sa poésie parlée : sur un piano lancinant et grave, Saul y prend sa voix la plus grave pour y débiter ses vérités politiques. Le flow est tellement haletant que l’on ressent la passion et l’imagination qui s’emparent du bonhomme… et de l’audience. « Grippo » démarre en trombe, des guitares criardes (proches des ustensiles électriques de votre dentiste), une basse très lourde et des rythmes piqués à la drum & bass la plus lugubre habillent le propos de Saul. Quand arrive « Act III Scene 2 (Shakespeare) », on se trouve bel et bien au coeur de Saul Williams : la musique est apocalyptique, le propos furieux, et, last but not least, le refrain crié par un Zach De La Rocha (qu’il a connu grâce à Roni Size) furibard. Cela rend bien la rage du discours pamphlétaire de Saul. Il est temps de crier, haut et fort, qu’on en a marre. Que le foutage de gueule n’a que trop duré. Vu tous les évennements récents dans son pays, on ne peut qu’acquiescer.
Des moments plus apaisés (musicalement parlant) comme « Notice of Eviction » viendront calmer la rage qui donne la trame filigrane de l’album. Des sonorités piquées au jazz, voire aux musiques tribales africaines, montrent qu’outre être quelqu’un de très cultivé pour tout ce qui touche la philo et la politique, la musique tient aussi un rôle capital. Tellement capital que c’est probablement celui-ci qui séduira les masses oppressées qu’il veut toucher, au coeur et aux tripes.
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Le site de Saul Williams