Conviant les éminences grises en charge du son d’Outkast et NERD, les frenchies Tahiti 80 réveillent le son vintage des années 80 pour faire la fête au rythme d’une R’n’B jubilatoire. Fosbury ou le saut entre le funk et la soul.
Pour leur troisième album, les français de Tahiti 80 ont mis les petits plats dans les grands. En s’octroyant les talents de Neal Pogue et Serban Ghenea, collaborateurs d’Outkast et NERD, pour le mixage de Fosbury, leur musique se détache de leur précédente production pour s’accaparer les codes du hip hop et de la soul. Un voyage sur les terres californiennes donne un nouvel élan au quatuor qui change de visage et ouvre leur palette de couleurs à une gamme plus étendue que par le passé. En s’inspirant des voix noires, dont une participation remarquée de Linda Lewis aux choeurs, et du rythme des styles précités, l’âme blanche du groupe se laisse alors pénétrer par un souffle ébène. Leur pop quelques fois blafarde et austère prend des allures distinguées et des poses lascives. Le corps se décontracte, les jambes redoublent d’agilité, le bassin se balance de droite à gauche au son d’une cadence entraînante.
Fosbury se veut ludique et dansant. En référence au titre du disque, les français sautent les frontières des genres et franchissent allègrement le front qui les sépare. En confrontant une dynamique pop à des beats heurtés, les chansons se libèrent du diktat orchestré par les guitares et percussions pour gagner en chaleur et densité. Elles font la part belle aux claviers et à la basse groovy. Les titres « Changes », « Big day », « Your love shines », ou encore « On the run » représentent bien le tournant sensuel de leur musique, aux accents proches du R’n’B.
Toutefois, Tahiti 80 ne tourne pas complètement le dos à la pop en livrant quelques compositions au parfum moins suave et plus âcre que sur le reste de l’album comme sur « Matter of time » ou « Empty and amused » même si le contour est toujours aussi soyeux.
Car ce qui peut déranger dans Fosbury c’est ce côté doucereux des mélodies qui laissent un arrière goût gênant à l’écoute. A la limite du R’n’B variété, Tahiti 80 semble s’enfermer dans un genre sans en maîtriser complètement la périphérie. Partagés entre le désir de sonner soul et de préserver leur identité propre, les français font des allers-retours entre leur marque de fabrique de chansons gazouillantes et de mixes plus arrondis. Ainsi, leur nouvelle direction encouragée notamment par Neal Pogue ne fonctionne que sur une partie du disque. Des morceaux comme « King Kong », « Paradise » paraissent plutôt faibles à côté de merveilles dansantes comme « Changes » ou « Big day ».
Puisque épaulé par le trublion américain aux manettes, on aurait aimé que la troupe parvienne à mettre en branle ses ballades sonores trop bien soignées voire aplaties par une orchestration parfois rédhibitoire, à l’aide de samples moins souples et des beats biscornus. Avec un son plus rauque et brutal, digne d’un bazar sonore explorant les motifs paisibles de la soul, Fosbury aurait abandonné un peu de cette légèreté pour devenir plus indomptable.
Passé ces quelques faiblesses, l’album promène sur toutes les compositions une image extatique et inspirée qui devrait enjôler l’auditeur. Coincé entre des Scissor Sisters en moins canailles et du Cameo, Tahiti 80 peut être considéré comme le versant français des canadiens Chromeo. A l’instar de ces derniers, nos compatriotes se sont passionnés pour une même approche musicale toute aussi jouissive qu’expérimentale. En croisant le fer entre des synthés vintage et une electro disco funk digne des années 80, les rouennais ont loué l’ambition d’écrire des chansons pour se trémousser toute la nuit. Pari gagné, les réjouissances ne désemplissent pas.
-Le site de Tahiti 80