Cette année-là, 1984… Alors qu’Orwell nous avait prédit prématurément une société guettée par Big Brother, c’est la disco et les prémisces du hip hop et de la house qui faisaient se trémousser les golden eighties. DJ T. en est resté nostalgique.


DJ T., de son vrai nom Thomas Koch, est né en 1969, année érotique pour paraphraser le regretté Serge Gainsbourg. Il a donc, comme votre serviteur, bien connu – et vécu – les golden eighties. C’est à dire ? La disco la plus nauséabonde, les paillettes les plus fake, lorsque les Sylvester et les Imagination (qui pouvaient à l’époque choquer pour un strip-tease effectué sur scène…) passaient à la radio non stop, les Kool & the Gang, les Earth Wind and Fire ou le « Funkytown » de Lipps Inc. étaient la norme dance, le Sugarhill Gang et Grandmaster Flash commençaient seulement à populariser le hip hop… etc. Une époque formidable vous diront certains. D’autres vour rappelleront que c’était plutôt le début de la fin, avec Reagan et Thatcher en politiciens au service du capitalisme le plus exacerbé. Oui, car à côté de la partie visible de l’iceberg, il y avait aussi Kraftwerk et son Computer World (1981) qui allaient révolutionner le monde du rock, enfantant la techno au sens large et, à l’instar du punk, dépeindre le paysage contemporain comme un succédané terrifiant de science-fiction (voir les quatre teutons de Düsseldorf en concert suffit à se rendre compte de leur grand à propos historique et visionnaire, dénonçant cette société occidentale égoïste, détruisant petit à petit notre bonne vieille terre…). Bon, je radote déjà comme un vieux, ça m’apprendra de naître l’année érotique.

Ceci n’est pas que du remplissage, oh que non, puisque cet album distille toute cette musique des années 80 avec la modernité qui nous entoure. « Séminariste » assidu dans les clubs et boîtes les plus huppées de Francfort, DJ T. a d’abord fait ses gammes en sautillant et en faisant des galipettes de break-dance (rappelez-vous Sidney sur Antenne 2…), puis derrière les platines, devenant expert en BPM (beats per minute), scratch, house et acid. C’est un vieux de la vieille, qui a pris de la bouteille, et ce en plusieurs domaines. Jugez plutôt :

– Fondateur, rédacteur et éditeur jusqu’en 2004 du respecté magazine allemand Groove.
– Co-fondateur du label Get Physical Music, spécialisé dans la musique électronique et comptant dans ses rangs les producteurs Booka Shade, Patrick Bodmer & Philipp Jung.
– DJ dans plusieurs clubs de Francfort
– DJ qui fait des mix et remix depuis 2000, et qui sort son premier album aujourd’hui. DJ rentré donc dans le rock system si on peut dire.

Alors que tout l’album fera irrémédiablement penser à Kraftwerk (« Freemind » évoque la période Computer World, alors que « Rising » celle de Trans-Europe Express) au sens large, ainsi qu’à la disco brocante, on peut néanmoins pointer quelques influences plus précises. « A guy called Jack » évoque le sanguinolent « Nineteen » de Paul Hardcastle et son clip sur les jeunes marines US au Viet-Nam. « Neon » et ses nappes de synthétiseur dégoulinantes fera penser à Adamski (rappelez-moi de faire de son Doctor Adamski’s Musical Pharmacy un Flashback!). On continue? Le titre d’ouverture, »Funk on you », et sa basse bien grasse remémore Tom Tom Club. « Freemind »

Enfin, bref, ce catalogue d’influences n’empêche pas les titres de s’enchevêtrer de fort belle manière, et d’offrir une bonne heure de « dance » accrocheuse, ou de boîte à musique souvenir des années 80 (Atari et Pacman compris). Excellent dans les deux cas. Comme le résume si bien le dernier titre, « Class of 1984 », avec les mêmes sonorités à peu de choses près que Breakdance 1984!

Le site de Get Physical Music