Troisième album du groupe vedette de Carl Newman et une formule qui tend à devenir redoutable. Cette pop délurée et inventive est tout simplement un must.
Après une retraite en solo l’année dernière, ce grand gamin de Carl Newman a décidé de réintégrer son poste de capitaine de l’équipe des The New Pornographers, en vue de la coupe du monde 2006. Après le franc succès d’Electric Version (2003) et l’épisode solo The Slow Wonder, ces deux missives ont certainement distribué des coups de crampons aux détracteurs, rétablissant Carl Newman en tant que Zidane du genre power pop. Et la concurrence est rude au sein de la Dream team de Vancouver, avec notamment le redoutable Dan Bejar (Destroyer), John Collins (Thee Evaporator), le réalisateur/ dessinateur Blaine Thurier et la charmante country girl Neko Case.
Comme à chaque saison de rentrée, l’équipe de 9 joueurs a opéré quelques transferts déterminants avec cette fois deux défenseurs vocalistes de choc : Kathryn Colder et Nora O’ Connor. Si cette dernière est la nièce du capitaine – on peut déplorer les pots-de-vin trop souvent d’usage dans cette discipline -, les gènes naturels sont aussi de mise. Devant ces jeunes recrues la trop irrégulière Neko Case, sur la sellette depuis quelques temps, a du mouron à se faire…
La stratégie de jeu a également quelque peu changé. Le capitaine A.C Newman a dynamisé les actions, laissant même son ailier droit Dan Bejar élaborer trois plans d’attaque déterminants, dont l’imparable “The Bleeding Heart Show”, véritable boulet de canon tiré à 50 mètres des cages. Il faut dire que le jeu de jambe de Bejar, fin joueur national qui mériterait d’être courtisé par quelques grands clubs étrangers, rappelle l’âge d’or 70’s des grandes équipes britanniques (L’éternelle étoile Ziggy Stardust).
Le génie de Carl Newman reste très basique : une solide technique mais qui ne s’éparpille jamais, un oeil hors du commun capable de prévoir les coups de l’adversaire, d’où cette capacité de le prendre toujours à contre-pied. Mais sa plus grande force est de connaître ses limites et de laisser s’exprimer ses partenaires. En cela, Newman est un meneur d’équipe exceptionnel. Avec cette nouvelle mouture, on ne peut que rester béat d’admiration devant le travail accompli depuis cinq ans.
Dès le coup d’envoi de la partie, le morceau titre révèle une volonté de chercher le ballon. The New Pornographers ne jouent pas en retrait, c’est clair, ils comptent accumuler un maximum de points. Des accélérations fulgurantes (“Sing Me Spanish Techno”), de grands moments d’émotions (“The Bleeding Heart Show”) et quelques jolis dribbles et belles passes décisives qui feront date (la mélodie géniale de “Use It”, transportée par un piano entêtant).
Carl Newman et ses joueurs se bonifient avec le temps. La communication est parfaite, ils savent attendre le moment propice pour tirer en pleine lucarne. Les petits problèmes d’essoufflement qui pesaient par le passé ont laissé place à une régularité admirable. C’est un véritable poumon d’endurance auquel nous avons affaire, et les prolongations de jeu en fin de partie ne baissent aucunement la garde. Et le plus beau dans tout ça, c’est qu’on sent l’amour du jeu, le plaisir de le faire partager à ses supporters.
Lorsque l’arbitre siffle la fin du match, on lève haut l’écharpe de notre équipe, la joie d’avoir assisté à une partie qui restera dans les annales. The New Pornographers 3, rest of the world : 0.
– Lire note entretien avec Carl Newman (juillet 2004)
-Lire notre chronique d’Electric Version (2003)
-Le site officiel de The New Pornographers