« Je suis un acteur de théâtre, écrivailleur de bouts de carton de bière et musicien analphabête ». Sans blague?
La première phrase de sa biographie montre que Daniel Hélin est un hurluberlu hors du commun. Belge des pieds à la tête, et bien belge, avec l’auto-dérision (« Je suis laid ») et le goût pour le surréalisme poétique (« Fritounette ») qui les caractérisent, Daniel Hélin a la chance d’avoir évolué sur plusieurs scènes du spectacle : la chanson, bien sûr, mais également le cirque ou le théâtre (pour lequel il a accumulé plusieurs trophées). Hélin, ce sont des textes à l’humour corrosif, et à la bonne humeur galopante. Ils sont tout, sauf gratuits. Un coup d’oeil sur son crédo, en dernière page du livret, vaut peut-être tous les discours : « Si on fait un pas en avant, on meurt, si on fait un pas en arrière, on meurt, alors, pourquoi reculerait-on ? ».
Rien qu’à voir la pochette de Mécréant, sa dernière oeuvre, on sent déjà poindre le bonhomme. Côté musical, on se balade ici dans les eaux de la chanson française (de Jacques Dutronc à Serge Reggiani), colorées et pimentées de jazz et de musiques traditionnelles proche du folklore belgo-français. Sans oublier le rock bien sûr, dont le titre éponyme est une belle illustration, ou encore le crescendo de « machette », ou enfin le style très seventies évoquant un Bertrand Burgalat chansonnier. (« Piranha »)
Les paroles, pièce de résistance, sont quant à elles tantôt engagées (« y’a pas de religion, ni un ordre divin, qui rende les hommes bons, ou honnêtes ou malins, les indiens l’Afrique noire, pour la pisse des curés ont saigné leur histoire, sur l’autel de bonté») et criantes de vérité caustique (« Nous sommes tous contents d’avoir une maison et deux beaux enfants et du beau gazon on a peur des gens qui pourraient voler les couteaux d’argent et les DVD »), tantôt aussi humoristiques et/ou surréalistes (« Je suis laid comme un squale, un policier dragueur, une facture d’hôpital, un vampire qui a peur » ; « Tout Iglesias en allemand »), enfin toujours quoi qu’il en soit poétiques (« L’boueur rêve » en est un bel exemple). On est très proche du style – et des idées – d’un Boris Vian, et la façon de chanter évoque aussi, du coup, Serge Reggiani, qui a tant et si bien chanté les paroles de l’auteur de L’écume des jours. Les textes sont ici tellement bandants qu’on prend du plaisir ne serait-ce qu’à les lire. Mais ne mettons pas de côté la musique, pour laquelle on n’a lésiné ni sur les moyens ni sur les idées novatrices, n’hésitant pas à insérer ici une trompette, là un orgue, ici un harmonica, là un piano.
Cet assistant social de formation, qui a même travaillé à l’usine, s’est totalement découvert dans le théâtre et la chanson, pour notre plus grand plaisir. Né à Ottignies, ville où l’ennui est roi (la chanson « Ottignies » est à ce titre un véritable régal), ce troisième album (après Borlon et Les Bulles) met en exergue des femmes : The Velvet Sisters. Principalement Cloé Defossez (du groupe Clovers Cloé, claviers, guitares, basse et chant) et Isabel Rocher (batterie, basse et chant). Car outre des idées – géniales – de composition ou d’arrangements, elles se sont investies de A à Z dans ce projet, en faisant une belle pièce de théâtre musicale. Sans ce duo féminin, point de salut à en lire la bio. Elles ont fait avancer le Schmilblick en somme. Mais les Sisters, c’est aussi Murielle Hérion à la contrebasse et Sylvie Delplanque aux cuivres
A la production, on retrouve un vieux de la vieille, ayant pignon sur rue au rayon production, j’ai nommé Rudy Coclet (Arno, Sharko, Mud Flow). Sa présence explique le son nickel de ce foutoir foutraque festif.
Dabiel Hélin est un clown, qui au gré de ses pitreries, comme tout clow qui se respecte, nous permet de découvrir qui on est, même si ça fait mal.
Une découverte avec un grand D, à mettre dans le panier du père Noël d’urgence ! Sublime !
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