Sir Alice débarque comme un cheveu dans la soupe, remettant toutes nos certitudes en l’air, et soufflant un nouveau courant d’air joussif. Le genre de disque qui va beyond l’écoute.
La première fois que l’on entend cet album, au titre aussi aguicheur que mystérieux, on pense à Camille. Pourquoi ? Le même goût pour les contes et l’expérimentation sonore, la même curiosité et ouverture d’esprit, la même voix multi facettes, les mêmes paroles humoristico-surréalistes etc…. Lorsqu’on apprend que, tout comme Camille, Sir Alice a déjà collaboré à Nouvelle Vague, le groupe bossa-nova qui reprend les tubes new wave et punk, on se dit qu’il y a des coïncidences qui ne trompent pas. C’est d’ailleurs son frontman Marc Collin qui se trouve derrière les manettes.
Chercheuse à l’IRCAM (l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique), Alice Daquet fait aussi ce que l’on appelle du design sonore pour la danse contemporaine ou dans le multimédia, ainsi que le Conservatoire. Ça, c’est son côté sérieux, qui explique en partie ce goût pour l’expérimentation sonore, penchée sur les éprouvettes dans son laboratoire secret. De l’autre côté – car il y en a un autre – , déluré et délirant, ainsi que rebelle, il faut savoir qu’elle a, durant toute son adolescence, joué dans un groupe punk. Aujourd’hui, on peut dire qu’elle fait de la musique électronique à la Young Gods : à savoir cette même propension et ce même talent à mélanger la musique classique, l’ambiant, le rock, le punk et l’électro, voire l’industriel à la NIN.
Mis à part deux EP, ? est son deuxième album, et on espère pour elle que ce sera celui de la consécration. Son chant, oscillant entre le murmure, le cri tantôt horrifié tantôt en transe, les pleurs et la comptine enfantine ou le parlé, est, avec l’empirisme, le point commun de tous ces titres qui sont comme autant de petits bijoux d’un collier superbe et fascinant.
Le bien nommé “Les fourmis” donne une bonne idée des grandes capacités de la belle : des rythmes industriels urbanistico-angoissants, un texte pas piqué des hannetons (Je veux être partout, je veux être tout le monde, et je veux tout savoir), un crescendo qui va jusqu’au hurlement…
Le sampling, surtout axé sur la musique classique, donne à l’ensemble une majesté qui contraste avec l’électronique crue, pure, pointilliste, tel un fil d’aiguille qui percerait l’oreille. « Polaroid » est une superbe oeuvre de musique classique contemporaine. Quant aux boucles chipées à des valses, des clochettes et de l’opérette des années 30 sur « Princess », on en redemande ad libitum. Ce titre poignant est à tous égards très cinématique.
Le punk, on le retrouve le plus souvent sous forme d’electroclash (« Cadavre exquis », « Docteur X », « L’amour made in Taïwan »). La guitare sur « Confused » évoque quant à elle My Bloody Valentine.
Enfin, et surtout, ses travaux de recherche acoustique semblent lui avoir soufflé ces bruits angoissants urbains comme sur « Psychophase » ou « Crapaud ». On pense à re : , dont l’un des membres s’est illustré dans la théorie du son.
Les paroles, pas piquées des vers, font se joindre le fond avec la forme, car la plupart du temps ils dissèquent, comme le décor sonore ambiant, les mots. « Crapaud » à ce titre est un bel exposé du CQFD : « Un crapaud c’est tant et tant dégouttant que je préfère me passer d’un prince charmant ». Excellente conclusion. Ce sera le mot de la fin d’ailleurs, car ce disque est à la fois un crapaud et un prince charmant, mais saurez-vous les distinguer ?
Le site de l’artiste, bizarrement, alors qu’il est mentionné sur le disque, menant vers un site tout autre, voici le site de Tigersushi
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