Un groupe de rock caméléon, qui a assimilé toutes les bonnes ficelles des Strokes, Libertines, Interpol et Franz Ferdinand. The Cherubs viennent d’inventer le remède miracle : le combo générique.
Des guitares, des guitares, toujours des guitares… et rien d’autre. Oui, et alors ? ça vous plait pas ? Et bien tant pis, car personne n’y échappera. Au cas où vous émergeriez d’une mine, si la dernière fois que vous avez ouvert le Canard Enchaîné celui-ci titrait sa Une « Boules et Bill » en plein Monicagate, sachez qu’aujourd’hui monter un groupe de rock est devenu aussi cool que jouer aux billes dans les cours de récré ou confectionner des scoubidous.
Comment en est-on arrivé là ? A force de vivre reclus, aveugle et sourd en comptant des « bips » (beats) dans le noir devant son ordinateur, certains musiciens ont commencé à se poser des questions. Finalement, peut-être que la bonne vieille formule « 1, 2, 3, 4 » n’était pas si mauvaise que ça. Réenfourcher sa Telecaster et jouer en simultané face à des musiciens organiques bien réels, c’est peut-être ça la magie de la musique. On assume le raisonnement puéril, mais tout de même… Il y a encore quatre ans, tous les groupes de rock tentaient de rajouter des éléments electro afin d’apporter un peu de sang neuf à leur formule constituée de 16 cordes. Maintenant, cela en est presque devenu un sacrilège que d’entendre une nappe synthétique.
Regardez les Cherubs, eux s’en tiennent au « classic package » : deux grattes, une basse, un poumon travaillé au tabac et un marteleur de fûts. Jouant de malchance, ils affinent leur formule « guitares » depuis 1998, mais ce n’est finalement qu’en avril 2005 que leur premier album sort en Angleterre. Avec une certaine ironie, nos rockers se font les dents en première partie de The Departure, The Rakes, The Libertines, Razorlight, The Bandits… D’ailleurs, les Cherubs ne sont pas anglais, seul un guitariste l’est, les quatre autres musiciens sont norvégiens. Autant donc vous dire que ce quintet du nord n’a pas attendu de rejoindre l’Angleterre pour piquer tous les plans rock n’roll du cru, ceux refilés de génération en génération insulaire, scrupuleusement gardés afin de ne pas répandre leur trésor hors de leur cottage.
Moins tentés de devenir des clones des Joy Division ou des Smiths, nos chérubins préfèrent varier les styles. Ils piochent à droite à gauche… de véritables caméléons ! Cela reste du rock dans l’air du temps : si l’originalité n’est guère de mise, la variété et le cachet sont bien du voyage. Une paire de guitaristes maniérés qui aiment bien les pirouettes rythmiques et harmonies tirées à bout portant. Bien secoué donc. Et puis un vocaliste Staale Krantz Bruland, dont la couleur vocale colle à la perfection selon le costume du morceau. Un véritable passe-partout.
Le son des grattes est sec, mais ce quintet détient assez d’idées pour ne pas avoir tout dit dès la troisième plage du CD. Un petit jeu : faites croire à un djeun en Converse que “This Hawful Morning” est un titre du nouveau Strokes, il y a de fortes chances que celui-ci soit certainement moins déçu que par l’original. Si on continue dans la lancée, “The Kiss All Morning” garde lui un arrière-goût de Maxïmo Park, du Strokes à la sauce vieux continent donc. Toujours très anglais “9 * Out of 10”, possède un p’tit côté punk brouillon que ne renierait pas Pete Doherty. Si vous souhaitez danser sur des riffs qui swinguent, “Hey Bunny” est alors la bonne option. Le chant d’ailleurs, devient troublant par ses intonations à la Alex Kapranos. Puisqu’ils ne piochent que dans le meilleur, “Eyes Only” requiert la combativité martiale d’Interpol. C’est à croire que The Cherubs a fait son marché chez Tower Records avant de rentrer en studio. Mais il y a du style tout de même, et plus que tout, des chansons.
Uncovered by Heartbeat est donc le genre d’album solide qui pioche à tous les râteliers, tout en conservant une certaine exigence ou sens du bon goût. Et c’est amplement suffisant dans ce cas. Il manque certainement encore un peu de poivre à ce groupe, mais ces 38 minutes intenses, sans coupures, vont dans le bon sens. Il ne leur reste qu’à suivre le chemin.
-Le site officiel de The Cherubs