Tournant artistique sur le quatrième opus de cet efficace trio New Yorkais. Moins tête chercheuse, Calla tend à développer des collisions, mais cette fois avec ceinture de sécurité.
Avec une discographie chaotique constituée de quatre albums sortis chaque fois sur un label différent, on se doute bien que les New Yorkais de Calla ne sont pas du genre à jouer les sédentaires. Depuis le remarquable Televise sorti sur Talitres en France en 2003, le trio a signé chez la plus cosy structure Beggars, lui assurant une distribution internationale sans encombres.
Ce remue-ménage a parallèlement occasionné un chamboulement de line up avec le retrait de Sean Donovan (basse, clavier) en 2003, remplacé l’année suivante par Peter Gannon. Amputé d’un tiers de sa moëlle créatrice originelle, l’impact de ce départ a forcément influé sur le son et poussé Aurelio Valle (guitare, chant) et Wayne B. Magruder (batterie, samples) à repenser leur formule. Les dernières tournées en compagnie de leurs vieux camarades de récré Interpol et The National ont certainement joué dans le choix d’une direction plus « punchy » sur disque, sans que leur redoutable réputation scénique ne soit remise en question.
La couverture reste dans les tons cartonnés du précédent opus, mais Collisions opère bel et bien une cassure. Rentré en studio durant l’été 2004 avec Chris Zane à la production, qui avait déjà façonné le son de Televise, le trio s’est également offert les services de Victor Van Vught au mixage, un vieux briscard qui a déjà roulé sa bosse avec Nick Cave et PJ Harvey. Calla n’a jamais vraiment été un groupe d’avant-garde noisy comme Sonic Youth, ni même post-rock malgré ses penchants à développer des atmosphères instrumentales brumeuses. Toutefois, à la surprise offerte sur ce 4e album, rien ne laissait augurer dans nos esprits un tel tournant.
Qu’il n’y ait aucun malentendu, le groupe d’Aurelio Valle n’a pas viré poppy, mais leur rock sur la brèche s’est considérablement balisé. L’intro Morriconesque de “It Dawned On Me” inflige un choc : Calla n’a jamais dégagé un tel souffle épique, lui qui nous avait habitué à des atmosphères nettement plus abstraites et comateuses… ce qui n’empêche pas le morceau d’être réussi dans la lignée d’un …And You Will Know Us By The Trail of Dead. Le chant soupiré d’Aurelio Valle a mué, plus sûr de lui, mais du coup donne l’impression d’en faire parfois un peu trop. Sur “Testify”, les effets de flanger sur la voix n’apportent qu’une contribution de plus au mythe de Loveless, tandis que le chant de “So Far So What” se veut plus convaincant. Quelques ballades feignant l’ennui nous assaillent, (“Initiate”, “Stumble”, le à moitié réussi “Pulverize”), dissonance en sourdine et lyrisme en avant.
La six-corde électrique de Valle est toujours incisive, mais le groupe a un peu perdu de sa singularité en misant sur l’efficacité. Quelques tempos accélérés ne nous convainquent qu’à moitié (“Play Dead”, “This Better Go As Planned”). On cherche les cicatrices laissées par le passé, notamment le souvenir de ce tonitruant “As Quick As It Comes/Carrera” sur Televise, mais il faudra attendre la dernière plage, sur “Overshadowed”, pour que l’audace pointe à nouveau, le temps d’une décharge de tension roulant crescendo.
Disque étrange, Collisions est l’oeuvre d’un groupe en phase de mutation, qui, malgré quelques bons moments, peine à retrouver l’originalité de son précédecesseur, Televise. Un semi échec, ou une semi réussite, c’est selon.
-Lire également la chronique de Televise (2003)
-Le site officiel de Calla
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