Le retour après cinq ans d’absence d’un fin artisan de la pop. Le canadien n’a pas perdu ce sens de la mélodie vernie, habillée de spleen acoustique, avec cette fois un soupçon d’arrangements. Mais vous êtes fou ? Howie!
Loi du raffut des amplis et des mèches rebelles, le paisible Howie Beck préfère s’allonger sur le sofa de son salon pour s’adonner à ses disciplines préférées : rêver, ou bien regarder quelques vieux polars de Gregory Peck en compagnie de son copain Hayden Desser. Doux solitaire, le canadien de Toronto est toujours accompagné d’une guitare folk, bien incapable de produire un riff sans y ajouter des arpèges mélancoliques… Et lorsqu’il s’amuse à reprendre « Reptilia » des Strokes (en écoute sur myspace.com), il nous livre une version nuancée entre douceur folk et harmonies susurrées : coeurs d’artichaut s’abstenir, cette version vous brisera le coeur.
Cinq ans après son second album, Hollow – joli recueil de pop songs matinées d’humeurs boisées – nous attendions toujours une carte postale de Monsieur Beck, son absence commençant à nous inquiéter. Le disque pourtant bien accueilli sur le vieux continent, et notamment son sympathique single “Maybe I Belong” – Elliott Smithien en diable – avait particulièrement remué les accros de choeurs raffinés. Mais alors qu’il touche du bout du doigt le succès, un évènement dramatique vient noircir le tableau : l’un des patrons de son label d’alors se donne la mort, avortant tous projets. De caractère assez timide, Beck n’est pas du genre à racoler les maisons de disque. L’homme attend patiemment qu’on vienne frapper à sa porte… Le canadien se recroqueville chez lui, enregistrant une multitude de chansons sans vraiment savoir qu’en faire, ni envisager un hypothétique troisième album. Finalement, ce sera la structure Ever Records qui le prendra sous son aile et sortira ce nouvel album sur le territoire canadien en juillet 2004. Un an et demi plus tard, ce troisième album trouve enfin une distribution par chez nous.
Multi-instrumentiste remarquable, Howie Beck est de cette race de musiciens prêt à s’acharner sur une composition jusqu’à ce que la mélodie soit limpide. On a presque envie de dire que le talent d’écriture est tellement sûr chez ce genre d’artiste (à l’instar d’un Ron Sexsmith) que les progrès sont davantage à constater au fil des albums dans la production et les arrangements. Et cet album justement dévoile de nouvelles teintes. Si le charme rustique d’Hollow tendait à sonner redondant sur la longueur, ce disque éponyme balance des airs de bossa (“My Low”), des folk songs bien charpentées d’où s’échappe parfois une trompette divine. A sa table, les hôtes sont de haut rang : Ed Harcourt, la radieuse Feist ainsi que Matthew Caws (Nada Surf) viennent prêter leurs harmonies vocales sur quelques titres.
Premier présent, “Alice”, débute – mais seulement débute – sur la même progression d’accords que le classique “Bled White” d’Elliott Smith. Durant ce bref instant, et loin du sentiment plat réchauffé, on a la certitude qu’Howie Beck est là pour faire perdurer un certain esprit de la pop song élégante. Le relais est passé. Il y a dans ce disque des lignes de mélodies tellement pures (“My Low”) que l’on se dit que le monde serait bien triste sans de telles ritournelles. Autre moment délicat “Every Sold Out”, trimballé par un banjo entêtant est une pop song immédiate que ne renierait pas le fin Josh Rouse. Beck feint même de s’énerver sur les dernières mesures de “Sometimes”, avec un soupçon de guitare électrique… qui retombe au moment de tension culminante. On ne se refait pas.
En véritable esthète de refrains caressants, la musique d’Howie Beck est aussi douce que celle d’un Joe Pernice, dont le brin de voix se rapproche régulièrement. A ce titre le classieux “How Do You Feel” accompagné de cordes nobles n’aurait pas dépareillé sur leur indispensable Overcome By Hapiness.
Finalement, ce n’est qu’en bout de chemin que ce parfum de légèreté s’estompe sur “Lay Down”, dévoilant une personnalité plus tortueuse. Mais il est certain que les chansons d’Howie Beck ne vous agresseront jamais. Si tous les groupes de pop avaient l’exigence de cet humble canadien, la barre fixée serait très haute.
-Le site d’Howie Beck