Pas de musiciens africains, d’hologrammes, de Shaun Ryder ou de Madonna : Graham Coxon est de retour, discrètement, simplement, efficacement.
Graham Coxon vient de sortir son sixième album, mais sera sans doute toujours connu comme ex-guitariste de Blur, groupe qu’il a irrémédiablement quitté il y a déjà quatre ans. Et alors que ses anciens compagnons de route se font discrets (à l’exception évidente du Gorillaz de Damon Albarn, qui rencontre plus de succès que Blur n’en a jamais eu), Graham occupe une place enviable dans la scène musicale anglaise actuelle.
En effet, la génération actuelle a grandi en écoutant Blur, et son influence est marquante chez Kaiser Chiefs, Libertines et compagnie. Son accessibilité (en gros, il suffit de se promener deux heures à Camden pour tomber dessus) en font une figure quasi légendaire. Ce qui ne l’empêche pas d’être toujours actif, comme le prouve Love Travels At Illegal Speeds.
Guitariste remarquable au sein de Blur, sa carrière en tant qu’artiste solo a connu une évolution assez intéressante. Ses deux premiers albums étaient très personnels, puis les deux suivants ont un peu élargi le champ de vision et le public visé, mais c’est à partir du cinquième (Happiness In Magazines) que Coxon est devenu un nom public, en grande partie grâce au tonitruant single “Freakin’ Out”, et à la production de Stephen Street (auparavant, les albums étaient autoproduits).
Love Travels At Illegal Speeds continue dans la même veine, à savoir un Britrock bruyant sans être bruitiste, mélodique, et bien exécuté. Il ne faut pas oublier que comme de coutume, Coxon joue (très bien) de tous les instruments ce qui lui permet de ne pas tomber dans le péril masturbatoire des albums solo de guitaristes.
Comme son nom l’indique, l’album est centré sur l’amour, sous toutes ses formes : comment se remettre d’une rupture (« Standing On My Own Again »), séduire la femme du voisin (« Don’t Let Your Man Know »), gérer le coup de foudre (« I Can’t Look At Your Skin ») et les déceptions (« You Always Let Me Down »). Bon, c’est vrai, parfois tout cela sonne un peu mièvre, surtout de la part d’un grand garçon d’une quarantaine d’années. Heureusement, les morceaux sont suffisamment bien balancés pour reléguer le contenu lyrique au niveau du détail.
« Standing On My Own Again », premier single, donne le ton, avec ses accords Buzzcockiens emmenés par la voix toujours peu assurée, mais inimitable, de Coxon. Les morceaux rapides se suivent sans réelle diminution de qualité, en atteignant leur paroxysme sur le brûlot punkoïde « Gimme Some Love ». Mais c’est surtout sur les ballades que Graham Coxon montre que son écriture devient plus mature, comme on peut le voir sur « Flights To The Sea (Lovely Rain) » ou sur « Just A State Of Mind », très Syd Barrett.
Love Travels At Illegal Speeds est certainement l’album le plus cohérent de Graham Coxon, peut-être bien son meilleur. Le paire de lunettes la plus célèbre de la Britpop devient petit à petit une valeur sûre, un monument Britrock. Alors qu’on se demande ce que Blur va devenir, ce sentiment est assez rassurant.