La casa de Calexico, votre restau préféré, figure dans vos favoris pour ses plats incontournables ? Il faut vous prévenir qu’un vent nouveau a soufflé en cuisine, et la carte a pas mal changé depuis. Plus légère, mais pas déplaisante pour autant.


La première impression que laissent les trois premiers titres de ce (faux)sombre Garden ruin, c’est que Iron & Wine a laissé des traces indélébiles sur Joey Burns et John Convertino. Après le EP 7 titres In the reins sorti sous les deux bannières à l’automne dernier (suivit d’une tournée), qui sonnait plutôt comme Calexico qu’Iron & Wine. «Isn’t it ironic ?» chanterait Alanis Morrissette… La pochette, avec ce joli dessin arborant la noirceur du corbeau contraste pourtant avec les précédentes auxquelles le groupe nous avait habituées – à classer de préférence dans la catégorie beurk. Est-ce encore à mettre au compte de Sam Beam, qui a à son actif des pochettes dignes d’une expo de peinture ? Après ces pérégrinations futiles, la question rituelle se résume à : le contenu ressemble-t-il au contenant ? Ou, encore : la métaphore du corbeau traversé par les branches de l’arbre, est-elle annonciatrice de bonnes ou de mauvaises nouvelles ?

Tout d’abord, si on se fixe sur l’ambiance générale, il est clair que les ballades à la guitare sèche y sont plutôt légion, et que les paroles vont dans le sens de la dame à la fauche. Les explicites « Roka (danza de la muerte) » , « Deep down », « Cruel », « Panic open string », « All systems red » ne respirent pas la joie de vivre, même si l’on sait que la culture mexicaine voit dans la mort l’occasion de faire la fête plutôt que la tête… Ajoutons également que si l’on connaît un tant soit peu Calexico, on sait qu’il y a toujours une lueur d’espoir, au détour d’une mélodie irrésistible (« Panic open string »), d’un aparté francophone (« nom de plume ») ou hispanophone (« Roka »). A ce propos, ce dernier est – étrangement – le seul titre à resservir le plat traditionnel de la bande de Tucson. Il fait écho, au féminin (c’est Amparo – Amparanoïa – Sanchez qui chante ici), au premier titre de In the reins, « He lays in the reins », avec cette voix étrangère qui s’invite au chant (ou, si on remonte un peu le temps, à celle de Marianne Dissard sur « Ballad of cable hogue »). Notons que Joey Burns s’essaie au chant en français et que le résultat est assez épatant, avec une tirade sur «des cons de mierda» qui tombe à pic. Sans parler de ses efforts émérites dans « panic open string », où sa voix frise le fausset.

On est un peu déçu, il faut le reconnaître, par la quasi absence des cuivres, qui ont pourtant assis la réputation du groupe. A contrario, l’omniprésence des choeurs étonne. Point d’interludes ni d’instrumentaux évoquant des paysages au soleil couchant ou les picaderos et autres ranchos évoquant Mejico… Et même sur « Cruel », le titre d’ouverture, les trompettes sont assez discrètes, ou en tout cas loin du style démonstratif mariachi. Mis à part « Roka », on cherchera longtemps la fiesta latina. Un peu comme si on allait dans une pizzeria et que l’on vous disait qu’il n’y a plus que la marguerita au menu… L’esprit est toujours là, oui, avec la slide-guitare, le piano, quelques adjuvants de percu latine, le xylophone ou le banjo. Espérons comme à l’acoutumée qu’ils traîneront avec eux en tournée leur bande de mariachis, les Luz de la Luna, donnant aux différents titres la touche festive désirée.

Oui, la cuisine a fait peau neuve. Le personnel d’abord : à côté de l’habitué Jacob Valenzuela, travaillent à présent les allemands Martin Wenk and Volker Zander, ainsi que Paul Niehaus (Lambchop). Au menu, une très belle ballade, « Lucky Dime », évoque étrangement Steely Dan, mais c’est incontestablement le barbu Sam Beam, de passage dans les fourneaux qui a marqué la manière de faire, voire de composer. « Smash » est à ce titre flagrant. Et sublime.

Une parenthèse rock aussi (avec « Letter to bowie knife » ) vient apporter le peps que les sonorités latines se chargeaient d’apporter jadis.

Non, les Calexico n’ont pas viré de bord, mais se frottent à d’autres univers. Ça désarçonne un peu, au début, mais in fine, on garde la casa de Calexico dans nos petits papiers, car quels que soient les plats servis, l’esprit et l’émotion y sont toujours les mêmes. Et ça, ça vaut de l’or !

PS : réservez au plus vite votre table!

La casa de Calexico