Mao n’y changera rien, la révolution pop des Lilys entamée voilà 15 ans n’est pas prête de baisser les armes. Ce nouvel opus, plus ambitieux, délaisse un peu les mélodies pop® pour un retour de premier plan dans la cosmic valley du shoegazing et de la Nuggets attitude. Endless Love…


Après un retour en grande pompe avec le divin Precollection (2003), il nous tardait d’entendre un nouveau manifesto du grand Kurt Heasley, ce cerveau ébréché caché derrière les Lilys. En digne rejeton de My Bloody Valentine et Robyn Hitchcock (physique troublant de similitude pour ce dernier, ou pour ceux qui ne connaissent pas, les même traits creusés que Richard Ashcroft), Kurt Heasley est un musicien à la mécanique fragile, mais capable d’infliger de prodigieuses déconvenues à la concurrence lorsqu’il est dans un bon jour.

Fascinante collection de popsongs en mo(n)de inversé «shinsien» , Precollection réhabilita en force cette emblématique formation américaine née à l’aube des années 90. On ne change pas une équipe qui gagne, le producteur/musicien Michael Mussmanno a de nouveau grossi les rangs pour ce huitième opus. Petit changement de plan tout de même : il semble qu’Heasley ait préféré rester chez lui plutôt que de se traîner en studio. La moelle des chansons (chant, guitare) a ainsi été manigancée en autarcie avant d’être confiée aux soins de Mussmanno, qui s’est empressé de faire gonfler la pâte.

Bordéliques en diable, les 10 titres farouches d’Everything wrong is Imaginery tiennent plus d’une excursion personnelle que d’un effort de groupe. Le résultat n’a de toute évidence pas la cohésion de son prédécesseur et se plait plutôt à glisser sur une pente « psychédélire ». La production – ambitieuse et spectaculaire – nous réconcilie avec leurs premiers amours shoegazer. Dès l’entrée en matière de “Black Carpet Magic”, le voyage ne sera pas de tout repos : des rotors tournoyant de larsen opèrent un décollage à 90°, direction les nuages (préparez un sachet avant de partir). On assiste ensuite à un festival bigarré de distorsion et pédales d’effets Flanger, tendance Loveless : les manches de Fender Squier semblent fondre à vue d’oeil (“Where The Night Goes”) et les claviers ne s’en sortent pas mieux. Mais plus qu’une simple démonstration d’effets fêlés pour guitare, ce sont carrément les compositions qui se tordent. A vrai dire, entendre une telle cacophonie dissonante remonte droit au C’mon Kids des Boo Radleys, voire aux Swirlies pour le cousinage patriotique.

Simple avertissement, n’allez pas répéter à Mr Heasly qu’il fait du shoegazing, l’homme est plutôt un fan indécrottable de rock garage frappadingue 60’s tendance Tomorrow, Kaleidoscope (UK), The Move… Sur le fond, les chansons des Lilys ont plus à voir avec l’esprit ingénu des 60’s que les franchement pas marrantes 90’s. En impressionnistes nuancés, certaines expériences soniques des Lilys nous entraînent dans l’univers exotique des Talking Heads période Remain In Light (“A Diana’s Diana”), les collages d’un Syd Barrett (“Knocked On The Fortune Teller’s Door”) ou encore l’instrumental funky noisy (“Everything Wrong Is Imaginary”). En dépit de son aspect décousu, “With Candy” est une pop song cosmique attachante, sublimée à grands coups de clavier new wave en diable. Dans ces moments pop distincts, des morceaux comme “The Night Sun Over San Juan” combleront les fans de la dernière heure tandis que “Scott Free” pourrait sans mal atterrir sur le tracklisting d’Oh Inverted World.

En dépit de son déroutant foisonnement sonique, ce nouveau mille-feuille psychédélique possède néanmoins une saveur incomparable. Kurt Heasly est devenu un maître en la matière, le fruit d’une discipline de 15 ans de rêves intensifs. Attention tout de même à l’abus de substances chimiques…