Grâce à deux doubles CD, UWe se propose de nous faire découvrir le label mythique de Detroit Undergroud Resistance. Instructif et joussif à la fois.
Tout d’abord, histoire de ne pas nous brusquer, et de montrer le moteur sous le capot, on nous sert un double, Galaxy to Galaxy : a hitech jazz compilation , reprenant tous les standards du label, pour la plupart jamais sortis en CD, et pour certains épuisés en vinyle. Oui, comme chacun le sait, le DJ a cette particularité de vouer une admiration et un attachement compulsifs au bon vieux vinyle, qui plus est maxi 45 tours… La particularité, ici, c’est qu’il ne s’agit pas de vulgaires DJ…
Detroit, capitale de l’industrie automobile, connaît à partir des années 80 une déliquescence réservée presque exclusivement à sa communauté noire. Tout comme le hip-hop ailleurs, la techno de Detroit et la house de Chicago vont devenir les catharsis pour exprimer ce malaise et cette envie par l’art (tout à leur honneur) d’exprimer la violence incarnée. Sur les traces des pionniers Juan Atkins et Derrick May, Kevin Saunderson et Eddie Fowlkes (première génération, pour les années 80), Carl Craig et UR vont faire évoluer à leur manière la techno de Detroit pour les années 90.
Underground Resistance (tout un programme, rien que par le nom) est donc un collectif/label créé par trois DJ : Jeff Mills, Robert Hood et Mike Banks (surnommé Mad Mike). Dès ses débuts, l’un de ses dada sera le militantisme pro-black community. Tout comme Public Enemy et ses frasques militaires, UR se cache derrière des pseudos empruntés au vocabulaire « ciblé » : Elimination , The Punisher, Missing in Action, et ses singles (« Nation to Nation ») participent du même phénomène. Une fois Jeff Mills et Robert Hood partis fonder leurs propres labels (Axis, Purpose Maker et Tomorrow pour le premier, et M-Plant pour le second), UR est dirigé d’une main de fer par Mad Mike (Banks). Galaxy 2 Galaxy se veut un témoignage historique de cette période phare de la musique techno underground américaine.
Précisément sous-titré a hitech jazz compilation, on est surpris par la grande influence que le jazz, mais aussi la soul (celle de Motown notamment) avaient sur cette électro émergente, apportant aux sons froids et/ou planants des synthés et boîtes à rythme une chaleur et un groove qui font encore aujourd’hui des émules. Les cuivres, le saxo qui fait ses entourloupes (« nation to nation », « A moment in time », « Hi-tech Jazz »), les nappes de violons, la flûte (« Star sailing »), le piano, les percussions (« Momma’s basement ») : autant d’instruments qui, mélangés aux machines (boucles de synthé qui se réverbèrent sans cesse ; tout l’héritage Kraftwerkien en somme), apportent un plus. Sans oublier bien sûr les voix, dans la tradition la plus Motown (« First Galactic Baptist church »).
La science fiction chère à Jeff Mills y faisait déjà des ravages, ne serait-ce que dans les intitulés : « Astral Apache », « Deep space 9 », « First galactic Baptist church », « Jupiter jazz ». Ceux-ci d’ailleurs, sont une formidable mine d’information sur les tenants, les aboutissants et le modus operandi de UR : « Momma’s basement », « Afro’s, Arps and inimoogs », « Metamorphosis », « transition ». Les sons organiques (« 303 Sunset ») , fluides (« Star sailing »), ou de techno « purement » dancefloor (« Jupier Jazz ») montrent la raison de vivre essentielle du mouvement : faire danser. Enfin, comment résister à « Amazon », titre à la fois survolté, entraînant et planant, voire nostalgique?
En guise de conclusion, laissons le mot de la fin aux paroles de « Transition » : « There will come a time in your life where you will ask yourself a series of questions : « Am I happy with who I am ? Am I happy with the people around me ? Am I happy with what i’m doing ? Am I happy with the way my life is going ? Do I have a life ? Or am I just living ? Do not let these questions restrain or trouble you, just point yourself in the direction of your dreams, find your strength in the sound and make your trasnition ! »
Interstellar Fugitives – Destruction of Order est une compile qui fait suite à celle sortie en 1998. Elle est en quelque sorte la vitrine actuelle du label. On y retrouve des productions de DJ très colorées : (DJ 3000 propose un trip ludique en Orient, bourré de percussions et de flûtes à charmer les serpents, tout comme Perception & 090 qui vogue quand à lui sur des chants hindous trip hopiens. Cet aparté ne saurait faire oublier de quoi est composé la grande partie des titres proposés : une techno tantôt froide (« Suburban Knoght »), voire glaciale (« Chaos & order » de Mad Mike), tantôt chaude (DJ S2), voire ardente et énergique (DJ Dijital). Le côté – devenu label de reconnaissance – science fiction de ce genre de production ne fait pas défaut ici non plus : « Babylon’s gifts » de The Unknown soldier ou « Mental frog » de Nomadico en témoignent. Un premier Cd extrêmement varié, qui fera d’une pierre deux coups, puisqu’il est tout aussi agréable à l’écoute que sur un dancefloor.
Le deuxième CD poursuit dans la même veine, avec des rythmes entêtants (Von Floyd ; DJS2), hypnotiques (« Perception ») ou ankylosants, voire anesthésiants. Encore un CD qui, comme le premier, pourra servir plusieurs causes.
Le site de Underground Resistance