Le collectif suédois The Concretes, habitué des mélodies simples et efficaces, laisse de côté l’obscurité pour les pastels. Une pop luxuriante, mais un brin simplette.


Si l’actualité musicale récente pousse à porter de plus en plus d’attention à la Scandinavie, les Concretes, formés en 1995, en ont jusqu’à présent peu bénéficié. C’est sans doute en partie injuste. Si le groupe de Stockholm relève d’une sensibilité twee-pop que l’on retrouve chez à peu près n’importe quel fan d’indie rock capable de gratouiller un instrument, il a aussi quelques atouts à revendre. D’abord, les Concretes sont capables d’offrir des pop-songs bien calibrées dont la simplicité fait tout le charme – et qui a jamais trouvé quelque chose à redire à un bon refrain ? Quant à l’originalité, l’influence bien assimilée des Supremes et des mélodies de Motown suffit à ajouter une touche nostalgique finalement assez singulière dans la pop d’aujourd’hui.

Malheureusement, comme ce nouvel album le montre, les Concretes sont confrontés à l’éternel danger de la musique sous influence Velvet : l’ennui. Il fallait tout le génie poétique et mélodique de Lou Reed, loin d’être à la portée du premier aspirant songwriter venu, pour faire un chef-d’oeuvre de deux ou trois accords… C’est ce que beaucoup n’ont jamais compris. Et les quelques-uns qui s’en sont brillamment sortis, tels, par exemple, les Jesus & Mary Chain, ont bien vu où résidait l’intérêt d’une pop basique : dans la fêlure, la noirceur. Dans les albums précédents, notamment The Concretes, le groupe semblait avoir trouvé un juste équilibre. Dans In Colours, tous ces éléments sont évacués. Ils laissent place à la palette luxuriante de Burt Bacharach, de Love période Da Capo ou encore des premiers singles des Pale Fountains

Mais sans mélodies célestes, la voix de Viktoria Bergsman, élégante sans faire de miracles, risque de tourner à vide. Et sans l’autodérision d’un Neil Hannon ou d’un Jens Lenkman (ici aux choeurs), la mélancolie est vite avalée par les artifices kitsch… Dans l’ensemble, sans pour autant sombrer dans la musique de supermarché, In Colours laisse donc l’impression d’une certaine vacuité. En témoigne particulièrement l’ineptie du duo avec Romeo Stodart des Magic Numbers, avec ses répétitions exaspérantes de la phrase « You call I hang up ». Perdus dans un ensemble au mieux anecdotique, au pire totalement vain, le disque possède aussi de bons moments : “Fiction”, “Change in the Weather”, “On the Radio” sont des pop-songs agréables et bien ficelées qu’on ne rechigne pas à réécouter. “Sunbeams” retrouve un peu du charme des instrumentations bacharachiennes.

En définitive, comme un passage à la couleur qui aurait fait perdre toute saveur aux films noirs des années quarante et cinquante, les Concretes se sont fourvoyés dans un changement d’atmosphère qui ne met pas en valeur leur pop simple et sans prétention. L’émotion n’est présente que dans “Tomorrow”, petite ballade rêveuse dont les arrangements soulignent l’ambition sans doute excessive. Comme promis, les couleurs vives sont au rendez-vous, mais il manque aux chansons des Concretes un peu de substance pour n’être pas purement décoratives.

– Le site de The Concretes