We’re not alone, I’ve Got this microphone and you know I’m not gonna fool you. Il ne croit pas si bien dire.


Mike Patton est enfin de retour avec son projet maintes fois évoqué mais jamais finalisé : Peeping Tom, en référence à l’univers SF qu’il affectionne tant. Un peu à la façon de Kaada Patton , l’un de ses innombrables projets, le modus operandi est assez simple : Mike Patton écrit la maquette tout en pensant déjà à divers intervenants, puis la leur envoie. Ensuite, les techniques modernes font faire des allers-retours à des fichiers afin de finaliser la collaboration. Tout ça pour dire que la plupart de ces titres n’ont pas nécessité de rencontres in vivo de qui que ce soit. C’est dommage a priori mais nullement dommageable a posteriori.

Ce disque s’écoute comme un jeu-parcours, un rallye qui papillonne et donne à écouter une partie de tous les projets passés de Mister Patton : Mr Bungle, Faith No More, Fantômas, Tomahawk, Dan the automator, Rahzel, General Patton vs X-ecutioners, autant de maisons dans lesquelles a séjourné notre professeur de laboratoire musical.

Mais passons dans le détail toutes les facettes de l’ouragan Patton :

Ça démarre très fort, avec « Five seconds » et son refrain crescendo 1,2 3,4,5 rappelant les meilleurs moments de Faith No More, une touche orientale en prime, et les guitares de Fantômas en adjonction. Ça continue avec « Mojo » qui poursuit dans cette même brèche FNM, avec quelques apartés hip-hop, Rahzel et Dan the automator obligent. Ces deux premiers titres rappellent clairement le groupe par lequel Patton s’est fait connaître, surtout la période The Album of the year. Il en va de même pour le titre “We’re not alone” avec Dub Trio qui clôt la galette. Cela fait un bien fou. Les nostalgiques seront conquis.

On est abasourdi par les qualités vocales de Patton sur “Don’t even trip”, avec son pote brésilien Amon Tobin. La voix va du grave à un aigu à même de vous soutirer une larme, tout en distillant ici et là dans le décor les gimmicks caractéristiques du bonhomme (croassements de crapaud compris). Les paroles valent le détour également : «I know that assholes grow on trees»… La touche très soul argue également du talent indéniable de Mike Patton, dont on attend secrètement un album qui reprendrait des classiques de soul sur scène ou de crooner, voire de français (comme le fabuleux « Fort Mustang » de Gainsbarre sur la compile Great jewish music : Serge Gainsbourg). On appréciera également le petit clin d’oeil à Britney Spears « Oops, I did it again », qui rappellera l’époque où en concert il reprenait Aqua (« I’m a Barbie girl in a barbie world« )…

« Getaway », avec Kool Keith, voit Patton participer vocalement uniquement dans le refrain. C’est un titre un peu faible, mais pour se remettre du reste, on le pardonne. Pas mal de samples égrènent ce titre et le suivant, « Your neighbourhood spaceman », avec Jel et encore une fois Odd Nosdam (le seul à être intervenu deux fois). Dès l’intro on pense à Ennio Morricone et ses bandes sonores pour Sergio Leone. Un vent d’été agréable souffle sur ce titre.

« Play me » avec Massive Attack est étonnant, loin des carcans trip-hop habituels, proposant une lecture électro punk très fraîche dans laquelle le général excelle, assez proche de Prodigy en somme. Il s’agit sans hésitation d’un des meilleurs titres.

On nous sert un petit cocktail ensuite avec « Caipirinha », petite samba avec Bebel Gilberto virant à du FNM sur les refrains. On pensera également à feu Mr Bungle, le groupe fourre-tout de Patton qui mélangeait allégrement jazz et autres plats épicés exotiques.

« Celebrity death match » avec Kid Koala et « How u feelin ? » avec Doseone explorent encore une fois la fibre hip-hop, finalement assez présente et qui permet de s’emmêler les pinceaux (activité favorite du lascar) sans avoir à s’en justifier. « How you feelin? » se permet même de terminer sur une note classique de ballet.

Last but not least, le titre avec Norah Jones vaut son pesant d’or (ou plutôt de Durex), puisqu’elle y vocalise comme une féline en chaleur des paroles qu’il serait déplacé de dévoiler ici. Rien que le titre, « Sucker », devrait déjà vous donner une idée. Non, allez, la tentation est trop grande : «Keep it in your pants, sucker/What makes you think you’re my only lover?/The truth kinda hurts, don’t it, motherfucker?».

Ce CD doit se prendre pour ce qu’il est : un bon moment d’entertainment made in Pattonland.