Avec cet album live, Encre risque fort d’inciter les néophytes à s’intéresser à sa couleur. Pari risqué pour un projet à deux facettes.


Je ne connaissais pas Encre avant d’avoir ce Common Chord entre les mains. La pochette ne pouvait me laisser indifférent. Cette charmante guitariste assise devant un éventail de 6 cordes à faire pâlir de jalousie Thurston Moore ne pouvait que séduire un amateur d’électricité comme moi.

Common Chord n’est pas un nouvel album d’Encre. C’est une sélection de 7 morceaux enregistrés en 2004 lors d’une session pour VPRO, la radio nationale hollandaise, et lors d’un concert nantais datant de 2002. La relative ancienneté de ces enregistrements ne constitue jamais un défaut, car pour les néophytes des travaux d’Encre, il est difficile de dater l’exercice.

Encre, c’est le projet d’une seule personne: Yann Tambour. Je ne pourrais pas m’étaler sur sa vie et son oeuvre, car je n’ai toujours pas pallié mon manque de culture sur le sujet. A ce qu’on a lu à droite et à gauche et entendu sur son site, l’homme est adepte d’une musique malade, programmée et policée où samples de violons, piano strident s’amalgament à des rythmes shizophréniques. Inévitablement, on ne peut pas s’empêcher de rattacher Encre à l’univers de Matt Elliott (Third Eye Foundation). Seule sa propension à déverser des textes vachards de son cru le distingue de l’illustre précité.

Si Matt Elliot sur scène à tendance à jouer à l’autiste caché derrière son outillage électronique, Yann s’entoure d’un quatuor de luxe formé d’un batteur, d’un guitariste, d’un bassiste et d’une violoncelliste, prêtant sa voix par instants. On ne va pas parler de choix audacieux. Il n’est pas le premier à procédér de la sorte, mais le résultat est tellement percutant que l’on comprend aisément l’interêt de ce compte-rendu dès l’écoute de « Missive Bis », la première plage. Une rythmique et une basse ronflante à la Massive Attack précèdent la traînée d’un violon bien sombre et la voix de Yann déversant toute son apathie. On pense inévitablement à Programme. Quelques instants plus tard, une guitare limpide mais cinglante fait décoller la mélodie vers d’autres horizons. « Gallent(s) » suit sur une rythmique plus jazz. Un piano et un sample obsedants s’additionnent au violon et à la guitare qui se fait gratte. Cette voix sans espoir est et sera toujours omniprésente. L’imparable « Marbres » et sa touche de piano martelée imposent la formule. L’électricité est incontrôlée. La nervosité se fait sentir. Nervosité balayée d’un coup par la voix de Sonia dans une deuxième partie plus calme. « Fouehn » parcourt le chemin inverse. Le début plus apaisé et sa guitare hypnotique volent en éclats quelques minutes plus tard dans une de ces envolées mêlant violon frénétique et guitare plus enragée. Impossible de ne pas penser à une formation post-rock. Les 3 morceaux suivants « Or », « Une nuit à ciel ouvert » et « Nocturnes », enregistrés deux ans plus tôt suivaient déjà ce modèle offrant une enveloppe charnelle aux squelettes enregistrés sur disque.

Si l’on excepte une production capricieuse ne mettant pas suffisamment en avant la voix, cet album impose une formule et risque fort de séduire un public amateur de fougue et de vivacité. Il est difficile d’imaginer comment, après un tel disque, la formation live ne devienne pas un groupe à part entière à l’image de ce qui est arrivé à leurs confrères d’OMR.

– Le site d’Encre