Ce disque est un poignant document, l’adieu intranquille à un être aimé. La mort est passée par là, d’un revers de la main elle a emporté en 2004 la femme du grand guitariste afro-américain Jean-Paul Bourelly (âgé de 45 ans, il a joué entre autres avec Miles Davis et Steve Coleman). Seul dans une chambre, un sanctuaire transformé en studio d’enregistrement, face à lui-même, à ses souvenirs, à ses peurs, au vide, il tricote avec les fibres brutes d’un désir encore tenace. L’homme dans l’ombre se met a nu, le musicien habille sa mélancolie de lumière. « But the nights are long without you ». Ses doigts se hasardent, cherchent un sens et retrouvent l’envie, le goût des sens. Ils frôlent, tapotent, percutent, s’emportent sur l’instrument acoustique, ce corps de bois. Puis se reprennent, s’adoucissent, semblent alors vulnérables. La six cordes vibre dans son plus simple appareil, laisse deviner les racines haïtiennes du musicien. Comme un revenant, Bourelly défie sans complexe la faucheuse, délaissant ses excentricités sonores hendrixiennes à la vitalité défaillante. Pas de mélo ni de trémolo. La voix gronde comme un orage. Chaude, elle sait aussi rendre cette expérience intime et douloureuse universelle. Le blues n’épouse pas la tristesse sans espoir d’un chant funèbre. La vie brille comme un diamant noir. Un chef-d’oeuvre.

– Le site de Jean-Paul Bourelly.
– Le site de Phonector.