Un iceberg en provenance de Leeds suit le courant de la rivière Calder pour s’échouer dans la Manche. Estampillé du nom iLiKETRAiNS, il emporte avec lui un rock foudroyant à l’élégance noire, à la croisée de Sigur Rós et de Nick Cave. Cela part sur de bons rails.


Voilà certainement le groupe le plus spectaculaire défendu par le label Talitres ces derniers mois, petite institution Bordelaise qu’on ne présente plus pour son flair très développé en matière de rock élégant et sophistiqué (The National, Calla…). Les amateurs de leurs signatures peuvent d’ores et déjà se ruer sur cette petite sensation les yeux fermés. Tout comme Redjetson (également chez Talitres) ou encore Hope of the States, iLiKETRAiNS fait partie de ces jeunes formations britanniques vouant un culte aux guitares noires sur-réverbérées et atteintes d’une poussée de fièvre héroïque.

Quintet originaire des alentours de Leeds, iLiKETRAiNS s’est formé sous l’impulsion de deux camarades d’enfance : Dave Martin (guitare, chant) et Guy Bannister (guitare, claviers). Ils sont rejoints en 2003 par Alistair Bowis (basse), Ashley Dean (visuels, percussions) et Simon Fogal (batterie). La fougue des premiers singles ne tarde pas à éveiller l’intérêt des webzines/fanzines locaux. Produit et mixé par leurs soins, ce premier album Progress – Reform est en vérité un condensé de leurs quatre premiers singles parus depuis 2005. Ce pavé épique long d’un peu plus d’une demi heure est certes un peu frustrant par sa quantité (seulement sept titres), d’autant plus que certaines pièces jetées ici en pâture filent le tournis.

Signe prémonitoire : sur le vidéo clip de “Terra Nova”, le groupe tape le boeuf dans une tente perdue au milieu d’une tempête en Antarctique. La qualité des compositions alliée au chant mortuaire de Dave Martin – une sorte de Nick Cave aux intonations gothiques – fait d’ailleurs froid dans le dos. Musicalement, les influences revendiquées par le quintet sont assez fidèles à ce que l’on entend : Sigur Rós, le Velvet Underground, Nick Cave… On rajoutera à la liste un peu de shoegazing et de noisy pop du début des 80’s, tendance les oubliés Becketts. La comparaison avec l’australien caverneux est d’autant plus troublante lorsque le groupe incorpore avec talent des cordes sur quelques mélopées dont ils ont le secret (“No Military Parade”, “Stainless Steel”). C’est d’ailleurs lorsque leur rock s’emporte de cette manière que nos ferrailleurs offrent leurs meilleurs moments exhaltés. L’entrée en la matière, “Terra Nova”, livre une tension qui va crescendo, se déchaînant in fine en spleen irradié de distorsion et cordes voluptueuses. Autre poussée d’adrénaline, “No Military Parade”, séquelle d’un champ de bataille, est une chanson poignante bravée par un ensemble de cordes. Cette frénésie atteint son apogée sur les huit minutes de “Stainless Steel”, certainement un grand moment de concert.

Pour une formation concentrée « guitares », les textes sont étonnement plus méticuleux que la moyenne et lorgnent vers le réalisme d’un Morrissey. iLiKETRAiNS choisit des angles intrigants, tel ce « A Rook House For Bobby” qui raconte l’histoire vraie du fantasque champion du monde d’échec Bobby Fischer, éxilé en Islande suite à des problèmes de fisc et les persécutions répétées du gouvernement américain (« They can chase me to the end Of the Earth ; And if they find me ; Let them indite me ;I just don’t care any more ; They’ve pushed me too far, too far”) ou encore “Terra Nova”, inspiré d’une expédition au pôle Nord sans survivants…

Vu la tenue mâture de ce premier jet, on suivra de très près leurs tourments mélodieux futurs.

– Le site de Talitres.

– Le site de Iliketrains.

– Le myspace de Iliketrains.