Maison Neuve et Lispector, deux artistes français, ont scellé leur collaboration avec ce « split album ». 17 titres qui revisitent une musique décloisonnée avec une unité remarquable, pour ce qui pourrait n’être qu’un patchwork décousu.


Maison Neuve et Lispector illustrent à merveille la parité – n’y voyez surtout pas un message subliminal lancé à mes collègues masculins – en proposant une alternance stricte de leurs compositions respectives. Des morceaux écrits et enregistrés séparement, puis intercalés sur un album : telle est l’idée qui a germé dans leur esprit, après une rencontre et la découverte de réelles affinités musicales.
C’est Maison Neuve qui ouvre l’album avec ce “Is it lovely to be lonely?”, interrogation en écho discret à son titre Young, Wild And Lonely. La chanson débute sobrement : une boîte à rythme et quelques notes de guitare en boucle. Bientôt accompagnée d’un clavier, une deuxième guitare superpose une autre mélodie répétitive sur la première. L’instrumentation affiche complet et joue encore quelques mesures, jusqu’à ce que Guillaume Faure dévoile un autre atout : sa voix. Posée, agréable, elle nous conte des moments de solitude, de ruminations intérieures, et dessine avec concision quelques situations cocasses («my kingdom is my bed»). Le duo boîte à rythme/guitare, qui a déjà fait ses preuves – Arise Therefore de Palace Music en reste une magistrale illustration – séduit grâce à ses accents délicieusement amateurs. Sur la fin du morceau, «Is it lovely to be lonely?» devient une sorte d’incantation monomaniaque qui reste sans réponse. Sans doute que ce n’est pas joli-joli d’être seul.

Côté style musical, Maisonneuve donne une nouvelle interprétation d’un folk inventif qui fricote volontiers avec l’électronique, en glissant çà et là quelques clins d’oeil empruntés au genre : boîte à rythme, beat synthétique (“Two Old Dictators”, “Joyful Mädchen”), claviers. Lispector prend le relais en citant les deux figures manquantes de la trinité annoncée en titre, (“Young And Wild”) et explore un peu plus les sonorités bizarroïdes qui émanent d’un clavier. Elle chante de sa petite voix malicieuse, à peine voilée d’effets, dont les accents métalliques évoquent Stina Nordenstam. Cette singularité vocale se retrouve sur la totalité des titres, ce qui, à la longue, agace un peu. Peut-être que Lispector aime à se montrer sous cet avatar vocal un brin hybride. Elle est en tout cas le pendant électro-pop de Maison Neuve, qui joue plutôt dans la catégorie folk. Étrangement, cette répartition des tâches, qui pourrait produire une impression de juxtaposition artificielle, ne nuit en rien à la cohésion de l’album.

Les titres défilent naturellement, et les petites différences de registres sont perçues comme les variations spontanées d’un album aux multiples facettes. On passe ainsi de la ballade down-tempo qui rescucite la magie de Blueboy (“In The Branches Live No Sorrows”, “Two Tender Hearts”) à l’electro système D de Lispector avec le même enthousiasthme – surtout quand cette dernière remet au goût du jour des sonorités de clavier déjà entendues chez les frappadingues de Pram. Tout comme on oscille entre la comptine introspective (“Summer’s Back”, “The Old Rules Are Dead”) et le folk inspiré, sans sourciller : “Two Old Dictators” par exemple nous laisse songeurs, avec sa conclusion en forme d’aphorisme («Old age is a disease we’ll all suffer from»).

Dans “Giving Up Is A Daily Fight”, Maison Neuve annonce : «I’m sick of music lovers I’m sick of music makers, we need a revolution of a different kind». En guise de réelle révolution, Young Wild & Lonely se présente finalement comme une contribution intéressante et personnelle au répertoire actuel.

– MN & L sur Myspace

– Le site de Sauvage Records