L’année dernière, Zita Swoon nous avait gratifié d’un enregistrement live sans public qui sonnait comme un véritable nouvel album, tellement il synthétisait au mieux l’esprit universel et fédérateur de sa musique. Cet été, le groupe a enchaîné les festivals et signé des prestations plus enthousiasmantes les unes que les autres. Dans quelques semaines, il jouera gratuitement à Anvers en compagnie de dEUS dans l’espoir de faire chuter la côte de popularité, sans cesse grandissante, qu’a l’extrême droite dans cette ville.


Nous avons rencontré Stef Kamil Carlens, la tête pensante de Zita Swoon, durant le dernier festival de Dour. L’occasion de faire un peu le point sur la déjà kilométrique carrière de Zita Swoon…

Pinkushion: J’ai vu ta prestation la semaine dernière, aux Ardentes (ndlr: l’interview a été réalisée dans le courant du mois de juillet) et j’ai plus que jamais envie de dire que Zita Swoon est un des meilleurs groupes sur scène à l’heure actuelle. Comment appréhendes-tu la scène ? Qu’essaies-tu de faire passer ?

Stef Kamil Carlens: Rooh… Ça, c’est une question difficile… J’ai toujours essayé de faire en sorte qu’un concert soit visuellement un peu intéressant. Musicalement, on essaie de jouer des versions qui sonnent différemment que sur disque. Je n’aime pas trop les groupes qui jouent exactement la version du disque. Enfin, parfois, cela peut être chouette, mais nous, nous aimons bien changer. Sinon, on veut faire passer de l’énergie et faire une petite fête. Mais ce n’est pas trop réfléchi, je dois dire.

On a tout de même l’impression d’assister à un véritable show. A l’époque de la tournée qui a suivi Life = A Sexy Sanctuary, il y avait même un décor kitsch et scintillant sur scène.

Maintenant, il y a tellement de musiciens qu’il ne faut plus d’accessoires !

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Les sets sont maintenant beaucoup plus équilibrés. Lors des tournées précédentes, le concert évoluait en crescendo, du plus calme au plus dansant.

Oui. Ça c’est Arich, le batteur, qui a dit que pour les festivals, on devrait faire des sets plus rythmés. Moi, je n’étais pas spécialement emballé, mais les réactions ont été très bonnes. Alors, on l’a gardé comme cela.

Aux Festival Les Ardentes et pour d’autres dates, la comparaison avec David Bowie, période Ziggy Stardust, est difficile à éviter. Est-ce une image que tu cultives volontairement ?

Non, pas du tout, mais j’adore Bowie. Surtout cette période-là, il était très intéressant. Il changeait tout le temps de costume. Il flirtait avec le théâtre, avec le mime…

En parlant de théâtre, une des forces de la scène néerlandophone belge est qu’elle est vraiment pluridisciplinaire. Beaucoup collaborent avec des artistes, réalisateurs, metteurs en scène, chorégraphes… J’ai vu notamment Carmen par le Toneelgroep Amsterdam pour lequel tu as composé la musique.

Tu l’as vu ? T’aimais bien ça ?

Oui… Franchement, j’aimais bien.

Moi, j’avais beaucoup de doutes sur ce truc-là. Cela a été très dur et long pour le faire… Mais bon, si t’aimais bien, tant mieux. Moi, j’aimais parfois. Je n’ai pas vu toutes les représentations, mais je suis allé voir de temps en temps pour vérifier ce qu’il se passait et je n’étais pas toujours content, je dois dire.

Est-ce que ce genre de collaborations a des répercussions sur la musique ensuite ?

J’ai fait d’autres trucs en plus de Carmen. Pendant trois ans, j’ai notamment composé des musiques de film. J’ai composé presque tout le temps. Après, j’en ai eu vraiment marre, je dois dire, mais j’ai senti que j’avais évolué. Cela m’a appris à ouvrir beaucoup plus mes oreilles. Au final, cela a constitué une sorte d’entraînement. Je me suis senti plus sûr de moi.

Qu’est-ce que ça t’apporte, quand tu travailles avec un chorégraphe?. Je pense notamment à ce que tu as fait avec Les Ballets C de la B ?

En fait, il n’y avait pas de chorégraphe pour cette pièce. Il y avait 2 danseurs et 3 musiciens de Zita Swoon. Au début, il y avait également un acteur, mais cela ne marchait pas trop. Donc, on a composé la musique et la danse en même temps. On a « jammé ». On avait des petits thèmes qu’on voulait explorer. Les danseurs réagissaient à ce qu’on faisait et vice-versa. Même si c’était vraiment très difficile, j’ai beaucoup aimé faire cela.

Après une telle expérience, cela ne modifie-t-il pas ton rapport à la scène ? Tu n’as pas envie de faire des trucs avec des danseurs ?

Si si. D’ailleurs, dEUS a fait un truc avec les danseurs des Ballets C de la B. Je les ai vus à Werchter et je trouvais cela vraiment incroyable. Moi, j’aimerais bien, mais bon, cela ne serait pas évident de tourner avec une telle formule. En plus des techniciens, Zita Swoon compte déjà beaucoup de musiciens. Cela coûte déjà cher de tourner avec un tel groupe. S’il n’y avait pas cela, j’ai plein de fantaisies artistiques avec des danseurs et d’autres musiciens, mais bon, ce n’est pas faisable aujourd’hui.

En parlant d’autres musiciens, après les chanteuses qui sont apparues depuis A Song About A Girls, jusqu’où Zita Swoon pourrait s’élargir ?

Si jamais on gagnait beaucoup d’argent, c’est sûr que je prendrais des musiciens en plus. Je prendrais d’abord des cuivres et après des chanteurs. J’ai toujours adoré Roy Orbison. Il était accompagné par trois chanteurs et trois chanteuses et cela donnait un tuc incroyable.

Où as-tu rencontré les trois choristes actuelles ?

Léonie, qui n’est plus là pour l’instant parce qu’elle chante avec Arsenal, est la femme du bassiste d’Arno. Au moment où j’ai appris qu’elle était chanteuse et qu’elle avait deux soeurs qui étaient également chanteuses, je leur ai proposé de venir chanter avec le groupe. Depuis lors, elles se sont bien intégrées dans le groupe et nous sommes devenus des amis. Cela marche très bien et j’espère qu’elles vont continuer un bout de temps avec nous.

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Tu vas donc continuer à travailler avec elles sur les prochains albums ?

Oui et d’ailleurs, de plus en plus, on essaye que, sur certaines chansons, elles soient les voix principales ou que ce soit vraiment un mélange de nos 4 voix.

Si on prend les enregistrements qui ont suivi Life = A Sexy Sanctuary qui était un album fort travaillé, on sent une volonté de revenir à quelque chose de plus spontané et plus direct. Tu vas continuer dans cette voie-là ?

Oui. Absolument. On travaille déjà sur le prochain album. On va l’enregistrer en live en quelques jours. Bien sûr, on va l’enregistrer pour qu’il sonne quand même « hi-fi » parce que je trouve cela important. Les seuls trucs vraiment produits que je vais utiliser, c’est que je vais peut-être rajouter quelques violons ou quelques cuivres pour que cela soit plus habillé.

Donc, après Life = A Sexy Sanctuary, tu en as eu marre du travail de production?

Non. Le problème avec ce disque est qu’on a perdu le nord. Avant l’enregistrement, j’avais dit que je voulais faire un album pop. J’avais quelques albums de référence en tête. Après, on a fait la grande erreur de le produire tous ensemble. Chacun avait sa vision et j’ai dû sauver le disque, faire des remixes et tout ça. La plupart des chansons qui sont dessus sont bien, mais la production avait vraiment été très foireuse. Donc, après Life = A Sexy Sanctuary, j’ai essayé de retrouver le son du début de Zita Swoon et Moondog Jr où on avait un son plus bluesy, mélancolique et plus acoustique parfois.

Et quels styles tu voudrais encore explorer ?

Moi, je cherche un style propre. Le problème est que je joue avec d’autres musiciens et qu’ils ont aussi leurs idées, mais depuis A Song About A Girls, on a trouvé un son plus acoustique, plus chaleureux que j’aime vraiment bien. Je vais donc continuer dans cette direction quelques temps.

Parlons maintenant de la tournée A Band In A Box qui a fait l’objet de la sortie d’un CD et un DVD, à la fin de l’année dernière. Tu as déjà dû le faire quelque fois, mais peux-tu expliquer quelle était l’idée derrière?

L’idée est qu’on ne joue pas sur scène, mais dans la salle. On est disposé en cercle autour des 4 retours pour la voix. Le public se met autour de nous également en cercle. On débute donc le concert dos au public, mais une fois que cela commence à bouger, le public nous voit de plus en plus.

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Pourquoi il n’y a pas de public sur la session qui a servi pour enregistrer le CD et le DVD ?

On l’a fait sans public parce que j’avais vraiment envie de faire un film visuellement intéressant. On changeait la lumière pour chaque chanson. On changeait souvent de costumes ou les instruments de temps en temps. En plus, j’étais également le réalisateur du film et donc, il fallait que je discute avec les caméramans entre chaque morceau pour réfléchir à ce qu’on allait faire. Alors, je n’avais pas envie de faire attendre un public pendant les deux jours de tournage. Au début, je voulais le faire avec un public, mais j’ai laissé tomber l’idée. De toute façon, ce n’était pas pour le public qu’on jouait. C’était pour les caméras et c’est pour cette raison que nous avons sous-titré le DVD « Camera concert ». Mais tous les morceaux ont été joués en live. On n’a rien changé après.

Vous avez beaucoup tourné avec cette formule ?

Oui et dans certains festivals, on joue les deux. L’après-midi, on joue selon la formule A Band In A Box et le soir, on fait un concert sur scène classique. Le public est fort réceptif. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de groupes qui font cela.

Avec cette formule, on verrait bien Zita Swoon arpenter des pays peu habituels comme Mano Negra l’avait fait en Colombie avec leur « Expreso de hielo ».

Absolument, oui. Sur un bateau et tout ça… On a parlé de cela. Depuis longtemps, on a envie d’aller vers les pays de l’Est. Notre tourneur en Autriche, il commence à trouver de plus en plus de dates dans ces pays. Le seul problème avec tous ces pays est qu’il n’y pas d’argent… Enfin, déjà en France, il n’y a pas beaucoup d’argent, mais dans ces pays-là, il n’y a vraiment pas d’argent. Alors, c’est à nous de trouver les moyens pour nous déplacer. Ce n’est pas évident. Dans le groupe, il y a déjà beaucoup de musiciens qui ont des enfants. Il faut donc quand même qu’on gagne notre vie, mais c’est sûr qu’on a envie de le faire. Cela va arriver un jour.

Prochainement, Zita Swoon va participer avec dEUS à 0110 (ndlr : concerts contre l’extrême droite organisés à l’initiative de Tom Barman, chanteur de dEUS, et qui s’étaleront dans 3 grandes villes belges). Tu crois vraiment que cela pourrait avoir un effet ? Le public de Zita Swoon et dEUS n’est pas à proprement parler l’audience susceptible de voter extrême droite, non?

Oui, c’est vrai, mais il n’y aura pas que Zita Swoon et dEUS. Là, Zita Swoon va un peu fonctionner comme un « All stars band ». Zita Swoon va accueillir d’autres artistes. On sera le « backing band ». On accompagnera Hooverphonic, Axelle Red, Lais, Arsenal et plein d’autres. Il y aura donc plein d’artistes différents qui s’adressent à des publics différents. Il y aura un groupe marocain qui va aussi jouer avec des invités et il y aura aussi Clouseau. Je ne sais pas si tu connais, mais c’est un groupe flamand énormément populaire (ndlr: En 2003, Clouseau est parvenu à aligner 14 concerts complets dans la plus grande salle de Belgique). Donc, l’affiche vise large et s’adresse à tout le monde.

Et donc Zita Swoon va jouer en tant que « Backing Band » ?

On commencera le set avec des morceaux à nous pour chauffer le public. J’essaierai de jouer des chansons liées au thème du jour. Après, on accueillera les gens. On ne va pas faire un concert de Zita Swoon. dEUS va faire la même chose d’ailleurs. Cela ne sert à rien de faire des concerts normaux. Les gens peuvent nous voir autre part. Il faut que cela soit quelque chose de spécial.

Ce sera improvisé ?

Non. On va bien préparer. C’est beaucoup de travail d’ailleurs.

– Le site de Zita Swoon
– Le site du festival 0110
– Lire la chronique de Camera Concert/A band in a box
– Lire notre compte-rendu sur Les Ardentes
– Lire notre compte-rendu sur le festival de Dour