Le trio genevois pousse de nouveau les limites de son electro hybride, en perpétuelle réinvention. Une brise de fraicheur.
Le tournant opéré l’année dernière par Sinner DC sur Arkle Park Avenue laissait présager que les suisses avaient définitivement largué les amarres de la pop pour s’enfoncer dans les abysses de l’electronica. Une prise d’orientation ratifiée par leur signature chez l’exigeant label londonien AI Records, terre d’accueil des figures hybrides Montag, Yellotone…
En 10 ans d’activisme, Sinner DC a transité de l’indie rock au post-rock jusqu’à aujourd’hui l’ambient pop. L’alliance artistique contractée depuis 1999 entre Manu Bravo (voix/synthé/guitare), Steve Mamie (programmations) et Julien Amey (batterie, digi drum) ne s’est jamais cantonnée à rester sagement dans un genre propre. Le bagage acquis grâce à ses expériences leur a ouvert un champ sonore considérable, formidablement mis en pratique. En attendant avec impatience le fruit de leur collaboration avec Sonic Boom (ex Spacemen 3) pour des remixes qui promettent d’être transcendantaux, cette nouvelle livraison est encore un grand crû, d’une profondeur captivante. Sur cette cinquième production culminante, intitulée de circonstance Mount Age, le trio arpente des nappes léthargiques au calme troublant, usant habilement de guitares brouillées, boite à rythmes, sampling, machines et voix trafiquées…
Dès “Everything is Sand”, l’expédition downtempo prend une tournure étrange : le beat joue avec nos nerfs, s’accélère puis s’étire à nouveau, distordant une guitare électrique jusqu’à ce que son bruit blanc se mue en cri d’un orque. “On & On”, déconcertera les fans de la première heure par son orientation club. L’instrumentation est finement ciselée mais finit par fatiguer avec l’abus de Vocoder. Dommage, le chant hypnotique et lointain de Marco Bravo n’a pas besoin de cette surcouche d’effets pour nous transporter littéralement. Plus réussi, “No Day Without You” et son beat dancefloor invoque les redoutables tubes d’Underworld.
Le trio genevois se fend aussi de fractures sonores plus radicales. Dans son petit laboratoire, beat congelés, nappes ambient et motifs mélodiques stalactites opèrent une fusion atomique. Les penchant cold wave de Circlesquare, le post rock nébuleux de Radian voire le Depeche Mode d’Exciter seraient ici orchestrés simultanément par un Brian Eno berlinois (“They Never Stay”). Plus contemporain, l’épileptique “Lady March” et ses rythmes ferrugineux ne dépareilleraientt pas au sein de l’écurie Warp. “Afterland”, une symphonie ambient méga panoramique, pourrait illustrer magnifiquement les premières minutes de Blade Runner de Ridley Scott, lors du survole de la cité futuriste. “Eternally” termine l’odyssée en beauté, une virée sur l’autoroute à 5 heures du matin sur le lac Leman. Une sortie de route, la falaise, le plongeon à pic.
– Le site de Sinner DC