Une bonne dose de neo-Cold Wave en ce mois de juillet plombé par la chaleur, ça ne se refuse pas ! Mais ne dites surtout pas au quintet d’Austin auteur du fulgurant Fear is On Our Side qu’il sonne ainsi, votre serviteur en a fait les frais… Christian Goyer, chanteur/guitariste à la coupe Bartez et Daniel Delfavero nous éclaircissent sur cette obscurité tant aimée.


La journée commençait mal. Déjà le matin, le dictaphone high-tech acheté la veille refusait de fonctionner. Heureusement, on en a gardé un second en réserve… qui nous lâchera dix minutes après le début de l’entretien. Le reste de l’entrevue sera pris au bloc-notes… Une véritable malédiction qui se poursuivra le soir même sur scène, avec un concert presque annulé pour cause de soucis de guitares. Heureusement, le groupe a promis de rectifier le tir dès leur retour pour la fin octobre.

Pinkushion : C’est la première fois que vous jouez en Europe.

Christian Goyer (guitare/chant) : En tant que groupe, oui. Mais nous sommes tous venus auparavant individuellement.
Daniel Delfavero (guitare) : Notre batteur Tim a fait l’année dernière quelques concerts ici avec son autre groupe Windsor For the Derby.

Comment se passe la tournée ?

Christian Goyer : C’est une tournée très courte, il y a seulement quatre dates programmées. Précédemment, on a tourné aux Etats-Unis durant cinq semaines où nous avons donné 35 concerts. On apprécie davantage, c’est plus relax. Comme on a beaucoup joué aux Etats-Unis, c’est donc sympa de voir des choses nouvelles. Comparés aux Etats-Unis, beaucoup d’aspects sont différents : la façon dont on traite les groupes, l’environnement. La foule est assez réceptive – bien qu’aux Etats-Unis aussi – et puis les trajets sur la route sont bien plus courts, ce qui n’est pas négligeable.

Il y a deux jours, vous jouiez au festival de Sedières avec Echo & the Bunnymen. Comment c’était ?

Daniel Delfavero : Super, on a joué devant peut-être 400 personnes, l’ambiance était intimiste. Le coin est très beau, un peu perdu au milieu de nulle part, il y a un château. Les promoteurs nous ont très bien accueillis. Le show des Bunnymen était également très puissant, ils ont joué très fort.

Est-ce que Echo & The Bunnymen est une influence ?

Christian Goyer : Je ne sais pas. Je veux dire… j’aime Echo & The Bunnymen. Je suis très familier avec leur musique, mais je ne pense pas que ce soit vraiment une influence dans notre musique. C’est un bon groupe, mais nous ne sonnons simplement pas comme eux, aussi bien au niveau du chant que des guitares.

Quatre mois après la sortie de Fear Is On Our Side. Etes-vous satisfait de l’accueil réservé à l’album ?

Daniel Delfavero : Bien sûr. Les concerts sont de plus en plus gros. Nous allons revenir en Europe à l’automne pour cinq semaines.

Christian Goyer : De plus en plus de gens viennent aux concerts. Nous avons reçu de bonnes critiques de la part de la presse. Par exemple, on a joué trois fois à New York : la première fois dans une petite salle, la seconde dans une plus grande, et la dernière fois dans une salle encore plus grande. Les gens nous découvrent grâce à l’album, qui se vend de mieux en mieux. Sans le disque, nous n’en serions certainement pas là.

Trois années séparent l’album et votre premier EP. Pourquoi cela a t-il pris autant de temps ?

Christian Goyer : Pour être honnête, nous n’étions pas un groupe si sérieux que cela au départ. Tout cela n’était pas très clair, nous étions indécis sur beaucoup de choses et puis nous voulions trouver le bon label. Progressivement, nous sommes devenus un vrai groupe. Enfin, je veux dire… (silence) nous avons toujours voulu devenir un groupe à part entière, mais nous étions freinés par des conflits internes. Un musicien est parti après le EP, un autre est arrivé. Il y a eu beaucoup de changement entre-temps.

Comment fonctionne le groupe pour composer. Il y a-t-il un compositeur attitré ?

Daniel Delfavero : C’est une collaboration de groupe. Chacun compose ou apporte ses idées que nous essayons d’assembler ensemble. Il n’y a que les paroles qui sont écrites uniquement par Christian. Tout le monde participe, c’est ainsi que cela doit fonctionner.

Fear is On our Side a une production plus sombre, plus imposante que le premier EP. Est-ce que c’est une réaction à votre collaboration précédente avec Britt Daniel (ndlr : membre de Spoon) ?

Christian Goyer : Certainement. La production de Britt Daniel est clairsemée et brute. Nous l’avons enregistré ce EP en très peu de temps, trois ou quatre jours. La musique de Spoon est d’ailleurs produite de la même façon : assez directe, avec une grosse section rythmique en avant, peu de reverb, ça sonne très pop. Britt voulait quelque chose de pop, le EP n’était pas vraiment représentatif de ce que nous étions. Je pense que l’album l’est. Quoiqu’il en soit, nous étions heureux d’être capables de travailler avec lui, et c’est bien que le EP sonne ainsi. Nous ferions de toute manière la même chose si c’était à refaire.
Pour Fear Is on Our Side. Nous voulions cette fois que le disque abonde en atmosphères. On a utilisé beaucoup de claviers, de loops et des samples, contrairement au précédent. On voulait juste faire un disque différent. Et pour le prochain, nous changerons encore de direction.

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Lorsque je lis les chroniques à votre sujet, les années 80 reviennent régulièrement pour décrire le disque. Est-ce que vous êtes d’accord ?

Christian Goyer : Non. La musique des années 80 n’est qu’une influence parmi tant d’autres. J’aime la musique du passé, mais je ne suis intéressé pour la dupliquer ou recréer n’importe quelle période ou production. J’aime l’idée d’aller de l’avant. Nous faisons en sorte de créer notre propre musique, sans copier sur les autres. Lorsqu’on nous taxe de sonner rétro, c’est quelque chose que je ne comprends pas. Le job de rock critique est cool mais tout ce qui sort de leur bouche n’est pas obligatoirement vrai. Personnellement, je ne lis jamais des papiers nous concernant, ça ne m’intéresse pas. Bien sûr, les chroniques servent à nous faire connaître et donnent des repères aux lecteurs, mais je trouve qu’il ne faut pas les prendre au sérieux.

Le disque a été enregistré avec Paul Barker, de Ministry, à la production. Comment s’est passé l’enregistrement ?

Christian Goyer : Magnifiquement, ce fut intense. Paul a beaucoup contribué à faire évoluer notre son.

On dit qu’il est un peu fou. C’est vrai ?

Christian Goyer : Qui a dit ça ? (rires) Non, il n’est pas fou.

Daniel Delfavero : Il est vrai que Paul n’est certainement pas le mec le plus facile à vivre dans un studio d’enregistrement. Mais de ces confrontations sortent toujours quelque chose de constructif et bénéfique pour l’album.

Christian Goyer : C’est vrai qu’il a un caractère bien trempé et un sens de l’humour particulier. Cela peut expliquer que certains pensent qu’il est fou, mais il n’en est rien. Franchement, il a une famille formidable, c’est un chic type. C’est vraiment un travailleur acharné, qui a une grosse expérience en studio. Il a produit une multitude de groupes. C’est quelqu’un qui maîtrise parfaitement les textures ambient et autres techniques de sampling, il a aussi une énorme connaissance des possibilités qu’offre un studio d’enregistrement.

La chansons épique “Today”/“We Choose Faces” se démarque du reste de l’album, nettement plus atmosphérique, et centrée sur les claviers. Est-ce que votre approche de composition a été différente sur ce titre ?

La chanson est différente, mais notre façon d’enregistrer n’a pas particulièrement changé pour ce morceau. Le titre est en fait plutôt axé sur un motif de guitares. On a superposé plusieurs e-bow qui donne une couleur particulière au morceau.

Est-ce qu’il faudra attendre encore trois ans pour entendre un nouvel album ?

Christian Goyer : Les choses vont bien plus vite maintenant, nous sommes bien plus prolifiques qu’avant. Cela devrait sortir beaucoup plus rapidement. On aimerait bien ne pas forcément enregistrer un album coup sur coup, peut-être un nouvel EP, histoire de briser un peu le cercle monotone album/tournée/enregistrement, etc.

Pour terminer, pouvez-vous me donner vos cinq albums favoris ?

Christian Goyer : Et bien, c’est tellement variable, je ne peux pas être objectif. Je vais te donner un seul album : Rock Bottom de Robert Wyatt.

Daniel Delfavero : moi je dirai Sam Cooke, Night Beat.

Brian (ndlr : nouvelle recrue, qui sort subitement de son coma) : Je dirai Bill Evans Trio, Sunday At The Village Vanguard.

Deux de plus ?

Daniel Delfavero : Je dirai un disque des Allman Brothers…

Christian Goyer : … Hargh !

Daniel Delfavero : Non je blaguais, c’était juste pour taquiner Christian !

I LOVE YOU BUT I’VE CHOSEN DARKNESS en concert :

– 7/10, Bruxelles (L’Orangerie + THE HIDDEN CAMERAS)

– 25/10, Strasbourg (La Laiterie)

– 26/10, Dijon (Anthénéum – festival Capharnaeum)

– 27/10, Nevers (festival nevers à vif)

– 28/10, Tourcoing (Le Grand Mix)

– 29/10, Paris (la Maroquinerie)

– 30/10, Nantes (L’Olympic)