Quatrième opus de cette divinité du rock « lourd » alternatif, expert en riff monolithe, de plus en plus porté sur les textures atmosphériques complexes. Radical.


N’en déplaise à notre cher Laurent alias « The Real Thing », le quatrième album d’Isis serait le disque le plus attendu de l’histoire du label Ipecac – les productions du patron Patton incluses. Intronisés nouveaux mastodontes rock de la branche Metal (Post Metal pour être plus précis, mais sans concombre dans le slip ni mascotte Eddy gonflé à l’hélium sur scène), le trio de Los Angeles Isis se démarque de ses pairs par son univers pesant et labyrinthique, affûté album après album. Plus cérébral que le doom rock de Tool mais moins hermétique que les minimalistes Earth et Sunn O))), Isis se pose là, à la croisée des deux genres.

Le combo de Los Angeles constitué autour du noyau dur Aaron Turner (guitare et chant) Caxide (basse) et Aaron Harris (batterie), bâtit un monde atmosphérique, quasi instrumental, où les guitares électriques pèsent deux tonnes et balayent tout sur leur passage. Nos lecteurs qui ne jurent que par la pureté des Zombies plutôt que les power chords des monstrueux White Zombie ou à la rigueur les hurlements façon Fantomas crieront à l’infamie. Par contre, les amateurs de Post rock y trouveront largement matière à assouvir leur manque d’adrénaline avec cette musique plus fine qu’elle n’y paraît.

Après la passionnante parenthèse de la série In The Fishtank réalisée avec Aerogramme, In the Absence of Truth maintient le niveau d’exigence et s’avère une éclatante réussite. Enfin… « éclatante » n’est peut-être pas le mot approprié pour ce disque à la noirceur désespérée. Le conceptuel Panopticon (2004) empruntait déjà une voie plus arpentée que le désormais classique et surpuissant Oceanic (2002), devenus tous deux des références. Les textures industrielles et la nervosité hardcore des débuts se sont diluées au fil du temps pour des ambiances éthérées post rock (un membre sévit d’ailleurs au sein de la formation post rock Red Sparowes). Très ambitieux, In the Absence… peaufine au scalpel cette formule.

Loin de l’efficacité frontale des débuts, le trio installe des climats lents et oppressants, semi-bravades tournant en moyenne autour de 7 minutes. Isis est passé maître lorsqu’il s’agit d’échafauder des progressions pyramidales et n’a ainsi plus rien à prouver dans cet exercice. L’overdrive n’explose plus ainsi systématiquement en pleine gueule, mais cherche à percer des ouvertures vicieuses, complexes (l’enfer sur terre « Garden Of Light » et “1000 Shards”). Le très efficace “Not In Rivers, But In Drops”, avec sa ligne de basse Toolienne, joue l’alternance entre charges massives saturées et arpèges clairs gothiques. L’apocalyptique “Dulcinea”, emporté par une batterie titanesque, est un nouveau classique hargneux appelé à booster leurs futurs concerts. D’autres plages ambient, tel “Over Root And Thorn” ou encore “All Out Of Time” et “All Into Space”, se laissent peut à peu entraîner par le courant du larsen, sans employer la force.

Autre variation notable, les vocalises arabisantes d’Aaron Turner prennent désormais du terrain, plus distinctes et impliquées dans le processus mélodique. Néanmoins, ses hurlements parfois irritants perdurent, notamment sur le conquérant “Holy Tears”, ce qui aurait un peu tendance à gâcher la « cérémonie ». Mais après tout, on peut se permettre de temps à autre un petit plaisir régressif de cette trempe. La claque cloutée du mois.

Le site officiel d’Isis

Le site d’Ipecac