Avec sa fausse allure de garçon sage, ce Merlin de la pop synthétique bâtit des compositions excentriques et ambitieuses, bien capables d’ensorceler les âmes sensibles.


Si le logo Secretly Canadian n’était pas inscrit sur un coin du joli livret de ce disque, on aurait mis notre main à couper que celui-ci sortait tout droit de chez Sub Pop… En effet, tout comme bon nombre de signataires du label de Seattle (The Shins, Wold Parade, Roguewave), Dave Fischoff a le don de pondre des mélodies incandescentes tout en parvenant à maintenir un certain niveau d’exigence en terme d’expérimentation sonore.

Cette ébullition créative, le musicien natif de Bloomington l’entretient depuis déjà un certain temps, c’est à dire ceux immémoriaux du milieu des années 90. Rappelons que dans le milieu du rock la notion de longévité est, à de rares exceptions près, comparable à l’espérance de vie d’un papillon (triste constat, nous l’avouons). Illustre inconnu par chez nous, Fischoff est pourtant l’un des survivants de l’âge de pierre du label Secretly Canadian, qui a commencé à distribuer ses cassettes enregistrées sur huit pistes à ses débuts. Après deux albums, ils se retire sagement de la circulation en 2001, part s’installer à Chicago et trouve un emploi de bibliothécaire. Même Leonard Cohen n’aurait pas envisagé pareille retraite !

Mais irrémédiablement, la fièvre musicale reprend le dessus sur l’ascendant « méditatif ». En vérité, on le suspecte d’avoir berné tout le monde durant ces cinq années. Dans le plus grand secret, l’imposteur aurait installé une batterie de synthétiseurs et lap top dans un débarras de la bibliothèque municipale. En silence mais totalement euphorique, il érige des prouesses electro symphoniques (notamment le virevoltant “The Matrimony Vine”) à base de samples hachés et de couches de claviers surfiltrés, tâtonne dans son casque des programmations de boites à rythmes qui relèvent parfois de la performance de John Bonham.

Avec sa voix étouffée évoquant Her Space Holidays (un autre savant fou en solo), il élabore des exploits harmoniques abracadabrants, 100% synthétiques, et pourtant remplis d’émotion. Malgré certaines programmations un peu cheap, on admire cette capacité à se frotter aux hautes sphères du songwriting sur de véritables pièces montées que sont “Rain, Rain, Gasoline” et “The Suburbs Of Eden”. Et puis finalement, ce parti pris sonore insuffle une chaleur touchante à l’oeuvre, voire du caractère, s’inscrivant tel un lointain cousin de Love You des Beach Boys.

De plus, Fischoff s’avère une plume distinguée à la poésie contemplative des plus affûtées – chose qui ne nous surprend pas à l’égard de ses antédécents professionnels. Mais plutôt que d’en dévoiler plus, voilà qu’il nous revient les crédits de pochette d’un disque de Pulp qui nous disaient : « S’il vous plait, ne lisez pas les paroles lorsque vous écoutez ce disque »… En effet, ne dénaturons pas la saveur initiale de cette pop tout à fait stupéfiante.

-Le site officiel de Dave Fischoff