Passé presque inaperçu au moment de sa sortie, au mois de mai dernier, Gulag Orkestar a bénéficié, via la toile, d’un excellent bouche-à-oreille et d’un succès croissant, au point d’attirer l’attention du label 4AD qui a pris sous son aile et ressorti récemment ce premier album de Beirut – agrémenté d’un EP de cinq titres. Derrière cet étonnant nom de groupe à consonance orientale, se dissimule Zach Condon, un américain de 20 ans adepte des trompettes, des fanfares balkaniques et des choeurs russes. De la ville libanaise demeure l’évocation de ruines, celles, intérieures, d’un jeune homme plutôt sombre qui s’est manifestement frotté plus d’une fois au désespoir. Chez Beirut, la fête a des airs de tragédie, les mots valsent d’une idée noire à l’autre, la mélancolie couve sous les cendres d’histoires trop vite terminées. Mais comme dans les chansons de marins, la vie a beau tanguer dangereusement, elle finit toujours par tenir, fièrement, son cap. Généreuse et excentrique, la voix de Condon, telle une houle, emporte tout sur son passage et bute parfois sur des masses orchestrales efficaces mais à la lourdeur imposante, qui auraient gagné de fait à être plus subtilement dessinées. Si l’énergie tourbillonnante et la fièvre mélodique qui se dégagent de Gulag Orkestar peuvent s’avérer enivrantes, l’adhésion qu’elles réclament n’est pas sans reposer sur une surcharge émotive (à ce titre la première partie de l’album est supérieure à la seconde, plus complaisante). Un péché de jeunesse qui ne saurait toutefois gommer les qualités indéniables d’écriture et de composition que ce premier disque prometteur laisse deviner.