What Exit débute par un épique morceau de vingt trois minutes, “Arcade”, tortueux et emporté, qui enchaîne pics et creux déstabilisants, ascensions furieuses et repos songeurs avec un identique besoin d’aventures, annonçant ainsi d’emblée le principe d’incertitude qui régit l’ensemble de l’album. Autour du violoniste Mark Feldman, John Taylor au piano, Anders Jormin à la contrebasse et Tom Rainey à la batterie usent avec tact et dextérité de leur capacité à s’exposer pour mieux, l’instant suivant, s’effacer. Labile, cette musique qui n’est plus vraiment du jazz et ne relève pas tout à fait encore de l’esthétique classique ménage constamment un effet de surprise, laisse le champ ouvert à une multitude de combinaisons harmoniques. Lors de ces moments d’attente où tout semble encore possible, s’engouffre d’ailleurs un étrange sentiment de peur diffuse, comme si les instruments pouvaient littéralement entrer en désaccord. Pourtant, malgré son caractère imprévisible, What Exit n’en demeure pas moins un album serein et spacieux. Les incessants décalages rythmiques, le complexe emboîtement des thématiques et des sonorités concourent à inventer une fascinante poétique de l’irrésolu. Le mystère savamment entretenu est moins un leurre stylistique derrière lequel se cache une virtuosité suffisante, qu’une porte d’entrée vers un univers envoûtant dans lequel il fait bon se perdre, afin d’en mieux saisir l’exquise musicalité.
– Le site de Mark Feldman.