Il suffit d’écouter quelques secondes seulement le beau “Just Now, Var. I” pour s’apercevoir que la nouvelle venue Anat Fort, une brillante pianiste israélienne née dans la banlieue de Tel Aviv, ne viendra pas perturber de fond en comble l’univers musical d’ECM. Jeu délié, thème éthéré et mélancolique, mélodie murmurée, relative solennité de la prise de son : la musicienne semble déjà faire partie de la famille. Et pour cause : deux mentors du label avec qui elle rêvait de jouer un jour, le batteur Paul Motian et le contrebassiste Ed Schuller, sont venus se joindre à elle et magnifier ses compositions. Deux improvisateurs de renom auxquels vient se rajouter le légendaire clarinettiste Perry Robinson (aperçu notamment aux côtés d’Anthony Braxton, Carla Bley ou Archie Shepp). Une rencontre croisée (les quatre musiciens ne jouant pas tous ensemble, en même temps) particulièrement savoureuse qui éclipse d’ailleurs, de prime abord, le travail original de la pianiste – très inspirée par la musique de Bill Evans, Paul Bley ou encore Keith Jarrett. La paire rythmique Motian/Schuller joue ainsi comme au bon vieux temps, retrouvant ses repères et son aptitude à se faufiler/défiler l’air de rien, alors que Robinson privilégie de son côté des apparitions plus toniques et varie les tonalités chaudes ou plus sèches (l’utilisation de l’ocarina lors du dernier mouvement de “As Two/Somthing’Bout Camels” est un pur plaisir d’écoute), avec un indéniable sens du placement. Admirative, Anat Fort parvient tout de même à se faire une place conséquente (sa technique irréprochable est au service d’une sensibilité qui lui donne corps) et impose une écriture tout en subtils glissés, se laissant aller vers l’abstraction ou s’abandonnant à de douces digressions orientales. A long Story qui ne fait, espérons-le, que commencer.