Peut-être parce que la musique cubaine a un peu trop le vent en poupe depuis plusieurs années et parade dans les festivals estivaux en nous arrachant de plus en plus de bâillements, ce nouveau projet du saxophoniste Julien Lourau ne nous attirait pas outre mesure. Et ce même si cet habitué du Balalù de la Bastille parisienne (endroit où il joue souvent en compagnie d’une partie des musiciens ici présents) avait déjà laissé ouvertement filtrer ses penchants cubains sur son précédent disque, The Rise (2002). Mal nous en a pris, car dès son introduction vocale (menée par Javier Campos-Martinez) ce nouvel album annonce à la fois l’exigence et la nécessité qui le portent bien au-delà d’une conception convenue de cette musique. D’emblée, l’Afrique transpire à travers cet enchevêtrement de percussions et de chants grégaires à l’unisson. Comme pour laisser la parole à un peuple dont on a encore beaucoup à entendre, Julien Lourau se tait et observe tout d’abord, puis intervient en indiquant sa voie, humble mais affirmée. Une ligne claire, une ligne brisée. Que le regard et le son d’un Européen s’imprègnent de la rumba, et la voilà qui s’ouvre de l’intérieur, telle cette fenêtre sur la pochette nous laissant deviner l’intimité d’une habitation. Un carré noir sur fond bleu-vert où se fondent authenticité du lieu et abstraction visuelle, à l’instar de l’approche moderniste de Lourau qui se situe au plus près des racines et de la transe (cf. la progression endiablée de “Instrumental Loco” soutenue jusqu’à son acmé par un saxophone survolté), mais aussi de formes contemplatives évidées. A la surcharge de sonorités, Lourau préfère les aplats et les motifs épurés. En ce sens, Julien Lourau Vs Rumbabierta est à rapprocher des albums en solo du contrebassiste Orlando Cachaito Lopez ou des productions de Kip Hanrahan/Alfredo Triff, plutôt que des albums du Buena Vista Social Club. La guitare électrique (Eric Löhrer) et la basse (Felipe Cabrera) viennent apporter par ailleurs quelques touches décalées, plus rock ou funky, qui ajoutent encore aux possibilités de dialogue de cette formation vagabonde.
– Le site de Label Bleu.