Que demander à un groupe canadien qui a biberonné au plus universel des chanteurs canadiens, Neil Young ?
Jagjaguwar est un label franchement respectable au regard de son catalogue (Minus Story, The Besnard Lakes, Julie Doiron, Okkervil River…), un temple de la pop nord-américaine tourmentée, du folk-rock sérieux et indépendant. Mais les plus fins limiers de la chasse au talent ont aussi un coeur, et parfois se laissent prendre au jeu à l’écoute d’un groupe talentueux mais transparent. C’est le problème majeur de Ladyhawk. Le premier album de ce quatuor de Vancouver est une dissertation impeccable dont le sujet est : « Racontez le folk-rock ». La leçon est apprise par coeur, recrachée à la virgule près et pas une seule trace de correcteur sur la copie nettoyée au buvard. Le son de ce disque éponyme est à lui seul un teaser pour Wikipedia : tout ce que vous devez savoir sur la production d’un disque de folk-rock.
Que ce soit clair, Ladyhawk est loin d’être un mauvais disque. Les chansons sont habitées, la voix idéalement sur la tranche, les textes noirs et abscons, et les guitares abrasives bien qu’un peu trop bavardes. Les cinq premiers morceaux de cet album sont même tout à fait réussis, avec des rythmiques appuyées, entre une batterie copieuse et une basse enveloppante soutenant des guitares lourdes de sens, le tout mettant en lumière des mélodies rapidement identifiables – mais aussi rapidement oubliées. « The Dugout » ou « Long ‘Til The Morning » pourraient être des singles tout à fait respectables, pour peu que l’on ne soit pas trop exigeants, ou que l’on n’ait rien écouté d’autre que la nouvelle «nouvelle chanson française» depuis 15 ans.
Mais cet album manque cruellement de coffre. Les compositions ont du mal à tenir la distance. Un peu comme si la première moitié de l’album était composée de la maquette qui permit à Ladyhawk de décrocher un label. Toutes les tripes du groupe y ont été jetées. Conséquence : la seconde moitié du disque transpire la pénibilité de l’effort fourni par le groupe pour atteindre le nombre fatidique de 10 chansons de rigueur pour un premier album. Le seuil de l’écriture au long cours était vraisemblablement placé trop haut pour ces modestes artisans aux idées limitées. Brutalement, dès « Advice », le groupe plonge la tête la première dans l’écueil du remplissage : mid-tempos larmoyants, notes de guitares tenues sur des durées rappelant l’effroyable Gary Moore (en nettement plus acceptable toutefois), mélodies à l’emporte pièce, éviction des silences, instrumentations inutiles… Parfois certains passages peuvent faire illusion dans cette deuxième moitié de l’album, mais en y regardant de plus près, il s’agit de resucées de la première partie.
Bref, voilà donc un disque visiblement trop vite fait, qui aurait mérité bien plus de maturation. C’est d’autant plus regrettable que Ladyhawk est un groupe techniquement intéressant. Mais sa musique est tellement convenue aujourd’hui, tellement entendue que l’on voit mal comment il supportera la comparaison face à ses compagnons de label dans un premier temps, et, plus grave, à tout ce que comporte la scène folk-rock actuelle. On souhaite donc aux membres de Ladyhawk, visiblement pleins de bonne volonté et sincères dans leur démarche, de se trouver une identité propre ou de se confronter à quelques échecs pour en ressortir grandis, voire blessés. Dommage.
– Le site de Ladyhawk