Dans la lignée de Doo Rag ou Bob Log, un nouveau venu rejoint le cercle très confidentiel des one-man-bands trash/garage/blues : l’Australien Made For Chickens By Robots qui nous livre un premier album étonnant, à mi-chemin entre delta blues et punk rock.
Un blues déjanté juste ce qu’il faut crachoté par des instruments déglingués, une voix déformée par un mégaphone en plaqué or déréglé ou chantant à peu près faux dans un micro vintage, le tout agrémenté d’une bonne dose d’humour décalé et autodérisoire : à la première écoute de Momo Hokey, on croirait presque – la chorale d’animaux de basse-cour dégénérés en plus, la dimension érotico-boob scotchienne en moins – reconnaître la patte (de singe) de l’inimitable Bob Log, ex Doo Rag, précurseur et maître du genre en matière de one-man band, jusque là jamais égalé.
Et ce n’est pas Anto Macaroni, l’homme-orchestre australien – auteur de cet opus – qui se planque derrière Made For Chickens By Robots – et accessoirement sous une tête de poulet en éponge cousue-main par maman – qui nous contredirait, tant ses influences transpirent le blues crade de l’homme casqué (à ses détracteurs, la responsabilité de dire qu’il sonne un peu comme Bob mais en moins bien…). Influences que l’on ressent particulièrement sur des morceaux comme “Eating Shoe”, “Brown and Out” ou “Ahh Yah” dont la rythmique trash boogie frappée à la batterie actionnée au pied rappelle l’esprit de titres comme “Boob Scotch” sur Log Bomb ou “Show Time” et “Clap Your Tits” sur Trike.
Surfant sur la vague très tendance des one-man-bands garage un peu dérangés, il parvient cependant à créer son propre univers musical : un bric à brac lo-fi où se côtoient le son distordu d’une guitare désaccordée, le « tchoutchou » d’une vieille locomotive, des cris de bêtes de la ferme ou des bruits de jouets cassés, le tout passé à la centrifugeuse de son psycho rock dingue et destructuré. Pour un résultat plutôt dynamique et plaisant à entendre. Et ce, même si sur les quinze titres qui semblent avoir été enregistrés sur une cassette avec un vieux magnéto à l’ancienne, l’album, un peu inégal, s’essouffle sur quelques pistes : “Kneebone Airhole”, “Dang Dang Dong” ou encore “Lethargy Rag” par exemple.
On pourrait en rester là et conclure que la musique de Made For Chickens By Robots se résume à ce tintamarre bien orchestré ; sauf que, et c’est une bonne surprise, sur “Cheap Cold Chicken”, “Hokey” et l’inachevé “Extra Juice” marqués entre autres par l’introduction de l’harmonica, on rencontre d’étonnants accents ragtime et delta blues bien roots dignes de la mémoire de Mississipi John Hurt ou Blind Willie Mac Tell. Clins d’oeil qui montrent peut-être une volonté de se prendre plus au sérieux et une capacité à revenir aux sources.
Album atypique donc, imparfait et surprenant que l’on peut intégrer sans rougir à sa discothèque si on est amateur de bidouillage sonore. Le one-man trash-can blues band from Astrailer n’a pas fini de révolutionner l’underground des Rémy Bricka destroy.
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