Profitons de cette période estivale, comme de coutume peu fournie en sorties enthousiasmantes, pour consacrer quelques lignes à ce grand disque de dub qui passa entre les mailles de notre filet critique au moment de sa parution, il y a tout juste un an de cela. Sur cet opus collectif revigorant, le genre retrouve des couleurs, un son et, pour tout dire, un niveau de créativité que tous les blasés de cette musique – dont nous sommes – ne lui connaissaient plus. Love Trio, une formation d’électro-jazz californienne à dominante plutôt acoustique, qui compte dans ses rangs Kenny Mollesen (le batteur de Tom Waits et John Zorn), Jesse Murphy (le bassiste des Brazilian Girls) et Ilhan Ersahin (la tête pensante de Wax Poetic, aussi à l’origine du label Nublu, ici aux claviers et au saxophone), convie le pape jamaïquain des DJ, l’imposant dub master U-Roy, à célébrer en toute quiétude l’union libre du dub et de la musique électronique. Maria Turner (Wax Poetic), Sabina Sciubba (Brazilian Girls) et une section de cuivre jouent à cette occasion les acteurs/témoins de charme, participant pleinement du foisonnement sonore observé et de l’appel aux sens revendiqué. Reggae old scool, rock steady, dance hall matiné de dub, le syncrétisme musical bat son plein sans que, en quelques endroits, le fil de la démarche ne soit perdu : le phrasé vocal saisissant, tout en pulsations groovy, d’Ewart Beckford flotte avec assurance sur des ambiances down tempo addictives, où se combinent un certain classicisme roots et des expérimentations sonores visionnaires qui sont autant de propositions de dialogues trans-genres. Si bien que cet album évoque davantage le slam hybride et multifacette d’un Saul Williams qu’une oeuvre de reggae lambda. Tous les amateurs de bonne musique aventureuse seraient bien inspirés de jeter une oreille attentive sur cette expérience peu commune et, surtout, mémorable.
– Le site de Love Trio.