Le Suédois Axel Willner, aka The Field, est un musicien/producteur que l’on qualifiera volontiers d’obsessionnel. Plutôt que de s’éparpiller au risque de se perdre dans des circonvolutions inutiles, il préfère remettre inlassablement sur le métier son ouvrage consistant à sonder les profondeurs de la trance. Jusqu’à atteindre ce point extatique du sublime, cette aspiration vers l’infini telle que Kant la décrivit dans sa Critique de la faculté de juger. Pour se faire, Willner procède par couches successives, moins additionnées que dépliées. Le musicien étire et dilate son matériau jusqu’à le vider de toutes traces de superflu, épure ligne après ligne, tempo après tempo, creuse obstinément le même sillon à l’intérieur d’une plage de sorte à se rapprocher de sa substantifique moelle. Chaque morceau de From Here We Go Sublime procède ainsi de la même logique minimaliste : une rythmique hypnotique et étouffée, perceptible comme à travers une membrane, flotte dans une entité aqueuse étrange, au doux relent de shoegazing, de house et d’ambient, d’où émerge progressivement une mélodie lumineuse. L’album en son entier, dont la progression confine au titre éponyme (et donc à son « sublime »), réitère morceau après morceau cette lente odyssée au-delà de la techno. La fascination est totale, et l’écueil de la monotonie génialement surmonté. Car si une écoute distraite pourrait laisser penser que The Field a trouvé une formule magique qu’il se contente de reconduire de manière paresseuse tout au long de l’album, une approche plus attentive révèle un art du sampling d’une grande finesse et une architecture mélodique pointilliste, d’une minutie extrême. From Here We Go Sublime n’est d’ailleurs pas à proprement parler un disque efficace, conçu pour danser. Ou alors au ralenti. Les stases temporelles échafaudées par Axel Willner en appellent en effet à une forme de mélancolie cotonneuse et d’intériorité filtrée qui permettent à From Here We Go Sublime d’atteindre une profondeur que peu d’albums du même genre peuvent revendiquer.