Cela se passe en juillet 66. Cet été-là, une tempête free s’abat sur New York. Aux baguettes, Sunny Murray, complice en trio de Robert Ayler et Gary Peacock, protégé de Cecil Taylor, célèbre au sein d’un quintet d’exception la folie furieuse d’une musique frénétique. Cinq subjectivités libérées, sculptent dans la masse une matière sonore inouïe, incendient le passé, se projettent dans l’avenir. La batterie, déterminée, puissante, imperturbablement percutée par saccades, martèle une cadence infernale, presque tribale dans ses accents de sauvagerie et sa présence hypnotique. Tout aussi ahurissante, la contrebasse d’Alan Silva agit comme une menace sourde et reconduite, bourdonnement inquiétant assimilé au bruit tempétueux du vent. Conjointement, les cuivres exaltés (Jacques Coursil à la trompette, Jack Graham et Byard Lancaster au saxophone alto) s’engouffrent dans le semblant de mélodies, s’insinuent ici et là comme des gémissements, décharges pulsionnelles venues du tréfonds de corps emportés, vitalité qui ne recule devant aucune limite. Cosmogonie endiablée, tonitruante extériorisation, défi aux règles harmoniques élémentaires, cette réédition parfaitement remastérisée de l’oublié Sunny Murray Quintet constitue une expérience sonore captivante et éprouvante. Seule réserve : la présence d’interviews récentes du batteur (âgé de 71 ans) et du fondateur d’ESP, Bernard Stollman, découpées en plusieurs moments intercalés entre les morceaux, qui hachent le début du disque et deviennent rébarbatives lors d’écoutes répétées. En dépit de ce choix surprenant de découpage, cet album s’impose comme un document musical indispensable sur une révolution musicale riche en free sons.
– Le site de Orkhêstra.