Ils sont jeunes, voire très jeunes, et ils ont la classe. Ils viennent de la montagne et vont tutoyer les cimes avec leur folk à géométrie variable. Eux, ce sont les Coming Soon. A voir tout de suite.


C’est toujours dur de se faire berner, de se faire emmener délicatement sur une fausse piste. Premier album et déjà les Coming Soon semblent maîtres en la matière. New Grids réceptionné, on scrute méticuleusement la pochette : sept jeunes gens, cinq garçons et deux filles, prenant la pose dans un sous-bois rocailleux. Gilets, pantalons velours, casquette ou Stetson, même si le déterminisme vestimentaire connaît des limites, on tend prudemment à se faire une première idée : « Ça doit être des Amerloques post-baba, peut-être même redneck ».

Pour en avoir le coeur net, autant flatter nos oreilles : « De la bonne folk music ricaine. Atlanta ? Seattle, peut-être ? » Et l’on apprend que les protagonistes se nomment Howard Hughes, Leo Bear Creek, Ben Lupus, Alex Banjo, Billy Jet Pilot ou Caroline Van Pelt. « Drôles de pseudos mais on doit pas être bien loin de la vérité ». Le piège est tendu et l’on y plonge allègrement. Car c’est l’heure pour le chroniqueur consciencieux et appliqué de faire ses petites recherches sur les Coming Soon. Et là, c’est le coup de bambou derrière la tête, la fierté qui en prend un coup. La petite troupe n’est pas d’Atlanta, de Seattle ou de Sacramento, même pas originaire d’outre-Atlantique. Les Coming Soon sont bel et bien Français, de Haute-Savoie, d’Annecy, son cadre cossu et son joli lac. On se sent trompé, floué tout en gardant à l’esprit le coup fin que la troupe vient de nous jouer.

Multi-instrumentistes pour la plupart, âgés de 15 à 26 ans, les Coming Soon, pour ce premier album choral, nous distribuent agilement de mignonnettes comptines entre pop lo-fi, country folk rustique, antifolk, et rock parfois à peine plus acéré. Certains pisse-froids pousseront des cris d’orfraies, affirmant sans doute que c’est juste frais, voire versatile, que le groupe, en mode fratrie baba, se pose peut-être en incarnation de la coolitude branchouille. Mais l’écoute entraîne l’écoute, témoignant d’une qualité plutôt rare chez nous Français : les Coming Soon sonnent bien, tout simplement. Les Américains n’ont pas hésité longtemps avant de fondre devant les chevauchées chorales de ces jeunes frenchies. Sur la BO du film Juno (de Jason Reitman, à l’affiche en ce moment), qui cartonne outre-Atlantique, les Coming Soon se cachent derrière deux titres sous le nom d’Antsy Pants (Antsy ? Annecy !), formation qu’ils partagent avec la muse de l’antifolk Kimya Dawson, des Moldy Peaches : “Vampire”, écrit et chanté par Leo Bear Creek, le batteur des Coming Soon, 15 ans, et “Tree Hugger”.

Mais revenons à New Grids, festin musical au décorum propice au bien-être où l’on retrouve les influences aussi variées que Neil Young, les Moldy Peaches, Herman Düne, The Coral ou Cake. L’entame est consistante avec d’abord “Wolves In The City”, son rock folky, ses choeurs un peu blasés lors du refrain, le piano qui en remet une couche, s’arrogent une touche tarantinesque. Puis la troupe s’enivre avec les superpositions de voix foutraques de “Jack Nicholson Style” dans un tempo très Herman Düne, à l’instar des ludiques “See The Future” ou “Home From The Blues” qui débutent pourtant comme des morceaux de rock bien crades. Avant de nous entraîner sur le manège “Big Boy” : voix enfantines, refrain tourbillon et clappements de mains… La plupart du temps festifs, les jeunes savoyards livrent également deux magnifiques ballades, “Bright Tides”, où l’on retrouve un Howard Hugues à la voix fébrile et plaintive, et “New Territories”, dans la même veine. Et juste avant de refermer la porte, une petite claque façon Cake : “Howard’s Mood”.

Peu de moyens mais tant d’idées, de culot, d’effronterie, un bouillonnement musical touchant ou euphorisant, et peu rébarbatif : ce méli-mélo des Coming Soon est réjouissant, rassurant sur les capacités des Français à produire un folk de qualité (merci aussi aux Hey Hey My My). Avec ces jeunes adeptes de l’école buissonnière, la frontière entre les Etats-Unis et la France n’a jamais paru aussi proche.

– Le Myspace des Coming Soon