The Nautilus Years : un disque à la clarté crépusculaire, magnifié par un traitement uniforme et précieux. Un plaisir par et pour des esthètes.


Depuis Safety in Numbers (2003), leur premier album, le groupe suédois formé autour de Märten Rydell (chant, guitare, clavier) et ses quatre acolytes a laissé passer cinq années. Et cinq ans, c’est finalement peu de choses eu égard à la qualité de ce voluptueux The Nautilus Years.

Un disque travaillé comme une enluminure, d’une beauté évanescente et pourtant prégnante. C’est presque un «concept album», si cette appellation ne désignait pas uniquement le fruit d’un verbiage vaguement conceptualisant, aussi factice que pompeux. Le «concept» tient ici tout entier dans l’utilisation systématique d’un traitement sonore singulier, qui colore de façon monochrome les onze pistes de ce deuxième effort. Et «monochrome» n’est certainement pas un synonyme de monotone, le peintre Soulages et ses tableaux aux noirs vibrants serait le premier à nous donner raison.

En grands plasticiens de la musique, le quintet suédois patine ainsi ses compositions inlassablement, jusqu’à ce qu’une étrange familiarité émerge et relie les pans épars de ce polyptyque sonique. Dès “21st Century Paradise Traveller”, l’oreille s’habitue à ce traitement, volontairement accidenté et pourtant si travaillé. Batterie empesée, guitare réverbérée aux contours aériens, Surrounded – les bien nommés – nous entourent littéralement d’une ouate aussi douce qu’hypnotique. Une émotion semblable à celle que nous procurait Grandaddy, songwriters bougons autant que graciles, irradie dès ce premier titre et ne fait que se confirmer par la suite. Frissons garantis par exemple avec “Safe Tomorrow Sun”, qui choisit l’amplitude d’un thème à la guitare et au clavier, dans le même esprit que Band of Horses. Ou “Human Pelagic”, où les nappes de clavier le disputent à une guitare torturée qui imprègne nos tympans de ses échos.

Réverb’, répétition, rêverie : le groupe use et abuse de ces trois « R » qui marchent à coup sûr sur les âmes sensibles des esthètes que nous aspirons à être. En fin mélodiste, il fait notamment bon usage des passages instrumentaux aux résonances oniriques, comme sur les dix minutes de “Human Pelagic”. Même cette voix nasillarde filtrée par un téléphone agonisant trouve à nos yeux une légitimité, dans la mesure où elle participe de cette ferveur soyeuse qui irradie le disque entier. Et lorsque Märten délaisse un peu cet appendice vocal improvisé, on découvre un filet de voix blanche, touchant dans son imperfection assumée. “Short Red Links” est à ce titre une épure particulièrement reposante après la saturation des titres précédents, comme une respiration salvatrice après une trop longue apnée. “Swimming to Galapagos”, quant à elle, clôt ce périple abyssal avec un tempo ralenti et des messages radio en fond sonore.

Le parti pris de The Nautilus Years peut surprendre, par sa rigoureuse systématicité. Mais, baigné tout entier de cet éclairage vibrant et nostalgique, l’album s’imprimera sans doute d’autant plus rapidement dans nos esprits vagabonds.

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